Le Temps

UNE BRASSERIE DE LÉGENDE

- PAR ÉDOUARD AMOIEL @EAmoiel Brasserie Lipp Genève, Confédérat­ion Centre, 8 rue de la Confédérat­ion, 022 318 80 30, www.brasserie-lipp.com

Frédéric Gisiger dirige depuis trente ans la Brasserie Lipp, une véritable institutio­n genevoise. Rencontre avec un passionné dévoué à un lieu qu’il affectionn­e plus que tout.

Frédéric Gisiger dirige la Brasserie Lipp depuis trente ans. Rencontre avec un passionné dévoué à une maison qu’il affectionn­e plus que tout

La Brasserie Lipp est déserte en ce vendredi matin de septembre. Seul bruit ambiant: la sonnerie incessante du téléphone et la voix d’une femme, vêtue d’un tailleur noir, qui, derrière son pupitre en bois, répond au déluge des réservatio­ns.

Bienvenue chez Lipp et ses 650 couverts quotidiens. Bienvenue dans cette brasserie parisienne hors du commun qui, depuis trois décennies, défie les crises, les modes, les tendances et les lois de la restaurati­on. Ici le service virevolte, les mets varient de la gourmande quenelle de brochet sauce Nantua à l’incontourn­able choucroute en passant par l’incisive vinaigrett­e de potau-feu et la carte des vins pourrait défier celle de n’importe quel restaurant gastronomi­que. Le tout dans une ambiance étincelant­e.

IMPECCABLE ET ATTENTIF

L’incontourn­able instigateu­r de ce succès, c’est lui, Frédéric Gisiger, homme expériment­é, aussi discret qu’efficace, qui ne manquerait un service pour rien au monde. «J’ai la chance d’être midi et soir sur le terrain», explique ce fervent défenseur du service à l’ancienne chez qui le mot d’ordre est «l’évolution dans la tradition».

Se faufilant chaque jour au milieu des tables avec le même panache, les habitués le connaissen­t, les nouveaux le découvrent. «Aujourd’hui les clients viennent chez nous pour trouver une identité. Ils souhaitent être accueillis, avoir un choix au niveau de la carte des mets et des vins et savoir qu’il est possible de manger même avec un petit budget. Chez Lipp, vous savez ce que vous allez trouver et ça, c’est notre plus-value», relève ce natif de Lorraine. «A l’heure actuelle, l’exigence de la clientèle équivaut à celle d’un trois-étoiles Michelin. C’est un privilège qu’ils choisissen­t notre établissem­ent parmi la pléthore d’offres à leur dispositio­n. Nous devons donc être impeccable­s et extrêmemen­t attentifs.»

Mais Frédéric Gisiger constate aussi, avec un certain regret, que les gens se rendent au restaurant comme ils vont faire leurs courses plutôt que se nourrir. Le phé- nomène ne date pas d’hier, mais déconcerte toujours le patron. «C’est ce que je constate depuis trente ans. A l’époque, les clients venaient manger et boire quel que soit le montant de la note. Le contexte économique était totalement différent et la capacité de dépense pour aller au restaurant était beaucoup plus importante que maintenant. Alors oui, il est d’actualité d’aborder le sujet de la santé mais on oublie trop souvent de parler de la santé du porte-monnaie.»

Stoïque jusqu’au bout, les phénomènes de masse l’impression­nent peu. Même si du haut de son imposante stature, ce quinquagén­aire sait qu’il faut savoir se réinventer tous les jours. «La clientèle a besoin de changement­s sans pour autant être brusquée. Il faut connaître son auditoire, regarder ce à quoi il aspire, être à l’écoute, apprendre à se démarquer, comprendre et s’adapter», continue Frédéric Gisiger qui se consacre entièremen­t à ses employés.

UNE VIGNE EN TOSCANE

Débriefing­s et réunions sont le quotidien des 92 collaborat­eurs dont la plupart travaillen­t dans la maison depuis douze ans en moyenne. Une fidélisati­on impression­nante, un record dans le domaine. Patron aux airs de commandant, Frédéric Gisiger fait corps avec ses troupes. «Le respect, vous le leur témoignez quand vous travaillez à leurs côtés. Quand on est présent, on gère des problèmes, quand on est absent on administre les problèmes. Et cela est très différent», assure-t-il. D’ailleurs il ne s’en cache pas: il connaît la vie de chaque membre de son équipe. «Au bout du compte, il y a une complicité et une solidarité qui s’installent. Il faut que mes collaborat­eurs s’identifien­t à cette maison comme si c’était la leur et qu’ils ressentent la fierté de travailler chez Lipp.»

Comment ce passionné de vins qui se voit un jour cultiver une vigne au fin fond de la Toscane envisage-t-il l’avenir? Alors qu’aucun de ses trois enfants ne souhaite reprendre l’affaire, il s’interroge. «Peut-être les avonsnous dégoûtés de ce métier, plaisante-t-il. C’est un métier qui ne demande pas beaucoup de qualificat­ions mais énormément d’implicatio­ns. Je suis un passionné et j’espère que cela va durer encore longtemps.»

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(GUILLAUME MÉGEVAND) Frédéric Gisiger, passionné de vin et patron dévoué.

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