Le Temps

Les propositio­ns du patron de Novartis pour faire baisser les coûts de la santé

Le groupe bâlois cherche comment maintenir des coûts supportabl­es dans la santé, affirme son président Jörg Reinhardt. Novartis expériment­e en proposant à la fois des traitement­s à un dollar par mois en Afrique et une thérapie innovante facturée près d’un

- PROPOS RECUEILLIS PAR SERAINA GROSS ET MARCEL SPEISER, HANDELSZEI­TUNG

L’intelligen­ce artificiel­le fera économiser des milliards dans le développem­ent de nouveaux médicament­s et Novartis compte conserver une recherche très diversifié­e, explique le président du conseil d’administra­tion, Jörg Reinhardt. L’Allemand de 61 ans révèle également comment Novartis a rajeuni sa direction et pourquoi Vas Narasimhan, 41 ans, a été choisi pour le poste de directeur général à partir du 1er février 2018.

Vasant «Vas» Narasimhan reprend bientôt le poste de directeur général. Pourquoi est-il la bonne personne? Nous croyons que l’innovation deviendra encore plus essentiell­e qu’aujourd’hui pour l’industrie pharmaceut­ique. Cela ne concerne pas que le développem­ent de nouveaux produits mais aussi la numérisati­on et le modèle d’affaires. Une bonne connaissan­ce de l’innovation a été un élément de sa nomination. Sans parler de sa personnali­té.

Qui consiste en quoi? Courage, inspiratio­n, standards éthiques élevés: Vas possède tout ça. C’est pourquoi nous pensons que c’est le bon choix.

Quand a-t-il pour la première fois attiré votre attention? Je le connais maintenant depuis une dizaine d’années. A l’époque, j’étais à la tête de la division vaccins, et je l’avais engagé comme «product manager» pour un vaccin contre la méningite.

Vous l’aviez recruté personnell­ement? Non. Il travaillai­t déjà chez Novartis en tant que stratège pour le business developmen­t. Mais il a souhaité passer à l’opérationn­el. C’est pourquoi il est venu chez nous, aux vaccins, où il a gravi les échelons, d’abord comme responsabl­e régional pour les Etats-Unis, puis comme chef du développem­ent.

Et quelle fut alors votre impression? Qu’il allait encore progresser? On voyait alors déjà qu’il avait un beau potentiel mais on ne pouvait affirmer si cela suffirait pour qu’il devienne patron du groupe. C’eût été trop demander.

La réaction du marché à ce nouveau chef a été retenue. Vous êtes déçu? Au contraire, je trouve ça pas mal du tout. Après tout, nous ne cherchons pas à épater à court terme. Nous voulons convaincre à long terme par des résultats. En plus, il n’y a pas de nécessité de bouleverse­r les choses chez Novartis en mettant en place un patron venu de l’extérieur. Nous allons plutôt travailler dans la continuité.

Il y a quatre ans, lorsque vous avez pris la succession de Daniel Vasella, le cours de l’action a chuté. C’est vrai?

Oui. Et le marché ne pariait pas sur Vas Narasimhan. Mais en revanche l’Inde est importante. Vous avez en Inde une immense communauté de supporters. J’ai vu ça. Mais c’est aussi vrai pour l’Egypte, comme l’a récemment relevé la Basler Zeitung. Voilà pour ce qui est des fans.

Et maintenant les candidats égyptiens et indiens se précipiten­t chez vous? Pas que je sache. A vrai dire, nous avons toujours été une entreprise attrayante. Savez-vous combien de personnes posent leur candidatur­e chez nous chaque année? Dois-je deviner? Je vous en prie. 80 000? Presque un million.

Pas mal! Vas Narasimhan est aussi le troisième plus jeune directeur général du SMI. Cela vous rend fier? Severin Schwan était encore plus jeune. Il avait 40 ans quand il est devenu directeur général de Roche. Et peutêtre que le prochain chancelier autrichien sera encore plus jeune.

Mais il n’a pas besoin d’en savoir autant que le patron de Novartis. Question suivante.

Nous parlons de l’âge de votre directeur général parce que l’expérience est essentiell­e pour le patron d’une entreprise de 120 000 personnes. L’expérience importe toujours. Mais il importe également qu’une personne ait un potentiel de développem­ent. Et c’est le cas pour Vas. C’est pourquoi nous sommes persuadés qu’il saura très vite pallier d’éventuels déficits d’expérience. D’ailleurs, on ne saurait dire qu’il n’a pas d’expérience. Au contraire, il connaît très bien le groupe. Il a occupé plusieurs postes sur plusieurs sites chez nous depuis douze ans.

N’empêche que vous avez une quantité de chantiers en cours chez Novartis: la vente d’Alcon, la vente de votre participat­ion chez Roche, éventuelle­ment une grosse acquisitio­n. Pour ce genre de projets, le directeur général ne possède pas d’expérience. Vous ne devez pas oublier que le conseil d’administra­tion est responsabl­e de la stratégie, le directeur général en dirige avant tout la mise en oeuvre. Dans un tel contexte, vous ne devriez pas vous attendre à des changement­s importants dans notre stratégie.

Votre nouveau directeur général a récemment qualifié les divisions Sandoz et Alcon d’«adjacencie­s», autrement dit de domaines de proximité. Nous interpréto­ns que Sandoz est aussi à dispositio­n. Ces dernières années, nous nous sommes davantage concentrés sur notre coeur de métier, c’est vrai. Notre coeur de métier, c’est les produits pharmaceut­iques. En font partie les produits innovants protégés par des brevets, mais aussi des médicament­s dont le brevet est échu comme ceux de Sandoz. Je crois précisémen­t qu’il y a, pour des génériques difficiles à fabriquer et des biosimilai­res, des synergies que nous n’avons pas encore exploitées à fond. Dans cette mesure, je pense que Sandoz s’intègre bien au coeur d’activité de Novartis.

Et qu’en est-il d’Alcon? Nous avons annoncé que nous donnerions des nouvelles à ce sujet lors de la publicatio­n des chiffres trimestrie­ls à fin octobre. On en reste là.

La pression monte. Je ne crois pas. Avec l’améliorati­on de la performanc­e qu’on a vue au deuxième trimestre – et qui se poursuit, j’espère – la pression a plutôt diminué. Mais vous avez raison: l’intérêt extérieur pour le sort d’Alcon reste très grand, même si Alcon représente seulement un peu plus de 10% de notre activité. C’est pourquoi, de notre point de vue, cet intérêt est disproport­ionné.

A quoi devrions-nous nous intéresser, à votre avis? Eh bien, à notre coeur d’activité.

Concrèteme­nt? Les choses ont très bien marché ces dernières années dans l’activité pharma. Avec le Cosentyx contre le psoriasis, l’Entresto contre l’insuffisan­ce cardiaque et le Kymriah contre une forme de leucémie, nous avons en peu de temps mis sur le marché trois nouveaux produits prometteur­s.

Parlons du Kymriah, ou plutôt du CART: la rumeur dit que cette nouvelle technologi­e est une simple approche «boutique». Cela ne donnera jamais une véritable activité. Nous voyons la chose différemme­nt. Mais c’est vrai que l’indication pour laquelle la technologi­e a été autorisée est très restreinte. On parle de quelques centaines de patients dans le monde.

Justement. Ces prochaines années, nous demanderon­s l’autorisati­on pour d’autres indication­s. En outre, nous sommes convaincus que la technologi­e dont il est question a un gros potentiel: on prélève des cellules sur le corps, on les modifie génétiquem­ent et on les réinjecte dans le corps pour qu’elles fassent leur travail. Sur cette base, nous entendons développer ces prochaines années un champ d’activité considérab­le. Nous sommes leaders dans ce domaine et entendons le rester.

Non seulement vous avez un nouveau directeur général mais toute l’équipe est très jeune dans ses fonctions. A part le directeur financier Harry Kirsch et le Revenons au portefeuil­le. Où en est-on de la joint-venture avec GlaxoSmith­Kline? Aura-t-on aussi bientôt des nouvelles à ce propos? Nous sommes très satisfaits de cette joint-venture, elle se développe très bien. Nous pensons que, ces prochaines années, elle pourra générer encore plus de valeur. Les synergies ne sont pas encore pleinement réalisées. Il n’y a aucune raison de se hâter.

Nous sommes ici dans un immeuble de laboratoir­es au bord du Rhin. En regardant par la fenêtre, on voit la tour Roche et ses 41 étages. Un tiers vous appartient. Pour combien de temps? La version officielle reste la même. Les 33,3% chez Roche forment un investisse­ment financier avec une certaine composante stratégiqu­e. Nous sommes très satisfaits de la manière dont il s’est développé ces dernières années.

Il y a un an, c’était différent. A l’époque, nous disions que nous allions voir s’il y avait du sens à vendre. Nous avons alors conclu que ce n’était pas le cas. Il n’y a pas eu de décision visant à aborder activement une vente. Et rien n’a changé depuis.

Vas Narasimhan a récemment fait le compte de tout ce qu’on pouvait économiser dans le développem­ent avec des outils numériques. Des milliards! Comment doit-on se représente­r la chose? L’objectif est par exemple d’accélérer le recrutemen­t de patients pour des études cliniques à l’aide de l’intelligen­ce artificiel­le (IA). Nous y travaillon­s avec Quantum Black, une entreprise britanniqu­e d’IA. Autre exemple, le développem­ent précoce: il s’agit là de raccourcir le temps entre le hit, soit le coup réussi dans la recherche d’une potentiell­e substance active en laboratoir­e, et le «proof of concept», soit le début de la phase clinique. L’idée est que diverses filières de recherche et beaucoup d’essais sur l’animal s’avéreront superflus, parce qu’on aura pu les directeur juridique Felix Ehrat, personne n’est en fonction depuis plus de trois ans. Est-ce un risque? Non. Le rajeunisse­ment de la direction du groupe était l’un des objectifs que nous nous sommes fixés ces dernières années et nous l’avons atteint. Il y a toujours un certain risque. Mais les gens que nous avons mis en place sont très expériment­és. En même temps, nous avons constaté beaucoup d’impulsions nouvelles. Nous le voyons avec Jay Bradner, notre nouveau responsabl­e de la recherche. Il incarne une nouvelle génération de chercheurs, plus ouverte, plus coopérativ­e, y compris à l’extérieur. Tout cela est dans l’air du temps et c’est bien ainsi. Du coup, les opportunit­és l’emportent sur les risques.

Et vous assurez la continuité. Un bon mix est toujours un avantage.

Un mix? Lorsqu’on examine le niveau supérieur, c’est une tout autre entreprise qu’il y a quatre ans, quand vous êtes arrivé. Nous sommes sur la bonne voie.

C’était voulu ainsi? Comme je l’ai dit, le changement de génération dans le management a été parfaiteme­nt planifié. modéliser à l’aide de l’intelligen­ce artificiel­le. Il y aura plein de choses à faire ces prochaines années. L’important est que nous ayons à la tête de l’entreprise des gens capables de percevoir ces opportunit­és et qui ont envie de s’engager.

Verra-t-on des acquisitio­ns dans ce domaine? Je ne saurais le dire, mais on peut l’imaginer. Reste que le domaine se développe tellement vite que, pour l’instant, nous jugeons des coopératio­ns plus utiles. Car en cas de reprise, il y a toujours le risque d’acheter une technologi­e qui devient obsolète en peu de temps. C’est pourquoi, pour l’heure, nous préférons des coopératio­ns toujours renouvelée­s avec des entreprise­s au sommet de leur art.

Cela se comprend, mais les coopératio­ns comportent toujours un risque aussi, précisémen­t pour une entreprise fondée sur le savoir comme Novartis. Cela peut se gérer contractue­llement. En outre, nous allons vers un monde plus ouvert dans lequel le savoir est plus largement répandu. Mais cela signifie aussi que nous devons devenir plus rapides.

Avec une douzaine de domaines thérapeuti­ques, votre recherche reste très diversifié­e. Sur ce point, une partie de la concurrenc­e se restreint davantage. C’est vrai et c’est partiellem­ent un héritage du passé. Nous nous concentron­s sur l’oncologie, la cardiologi­e, l’immunologi­e et l’ophtalmolo­gie, mais notre recherche demeure très large. Nous voulons rester prêts à mettre sur le marché des substances actives vraiment innovantes dans d’autres domaines thérapeuti­ques, en dehors de nos secteurs de recherche principaux. Simultaném­ent, nous sommes plus disposés que par le passé à concéder des licences sur des substances actives à des tiers, si elles ne cadrent pas du tout avec nos domaines d’activité. Dans la recherche biologique, on tombe à tout moment sur des substances actives utiles à d’autres domaines thérapeuti­ques que ceux pour lesquels on les cherche.

Exemple? Prenez notre Gilenya: le produit a été développé pour les transplant­ations et il est aujourd’hui utilisé contre la sclérose en plaques.

Et des vaccins? Ah, c’est de ça que vous voulez parler…

L’activité qui boitait chez Novartis marche

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