Le Temps

La flexibilit­é du travail gagne l’Allemagne

Alors que les Jeunes socialiste­s suisses proposent de travailler 25 heures par semaine pour le même salaire, outre-Rhin, le syndicat IG Metall revendique le passage à la semaine de 28 heures, avec ajustement partiel du salaire, pour une durée de deux ans

- NATHALIE VERSIEUX, BERLIN

Les négociatio­ns tarifaires qui doivent ouvrir le 15 novembre dans la métallurgi­e allemande s’annoncent particuliè­rement conflictue­lles cette année. Le puissant syndicat de la branche IG Metall a en effet surpris le patronat mardi avec une double revendicat­ion. IG Metall réclame des hausses de salaires de 6% pour les 3,9 millions de salariés de la branche. Surtout, le syndicat enfourche de nouveau le cheval de bataille de la réduction du temps de travail, vingt-trois ans après avoir obtenu la semaine de 35 heures, à l’issue de dixhuit années de lutte syndicale.

IG Metall entend imposer lors du prochain round de négociatio­ns davantage de flexibilit­é du travail pour les salariés, avec la possibilit­é pour eux de passer à la semaine de 28 heures, avec ajustement partiel du salaire, pour une durée de deux ans et sans avoir à fournir d’explicatio­ns à l’employeur. Le retour à un plein-temps doit être garanti à l’issue des deux années. «La flexibilis­ation des horaires de travail dans les entreprise­s ne doit pas être un fardeau unilatéral supporté par les employés, eux aussi doivent pouvoir en faire usage», estime le chef d’IG Metall, Jörg Hofmann, rappelant que quantité de salariés souhaitent réduire leur temps de travail pour s’occuper davantage de leurs enfants, de proches dépendants, par peur du surmenage ou tout simplement pour se former.

Dans les deux premiers cas – s’occuper de jeunes enfants ou de parents dépendants –, le salaire devrait être partiellem­ent maintenu. «A côté des hausses de salaires, les salariés veulent obtenir le droit de gérer leur temps de travail à leur guise», assure Jörg Hofmann, qui promet «un round de négociatio­ns riche en conflits». IG Metall pourrait appeler à la grève à compter du 1er janvier, faute d’avancée d’ici là sur le dossier.

Vers un automne social agité

L’Allemagne se prépare de fait à un automne social agité cette année. La défaite du Parti social-démocrate SPD aux législativ­es du 24 septembre signifie pour les syndicats qu’ils ne peuvent désormais compter que sur eux-mêmes. Au cours des quatre dernières années, le Ministère du travail contrôlé par la sociale-démocrate Andrea Nahles, avait imposé à Angela Merkel une série de lois favorables aux salariés, avec notamment l’adoption du salaire minimum et le retour partiel à la retraite à 63 ans.

Du côté du patronat, les revendicat­ions d’IG Metall provoquent une levée de boucliers. «Nous souffrons déjà d’un déficit en personnel qualifié, ce serait donc de la folie pour le site de production allemand que d’accroître volontaire­ment ce déficit», estime-t-on chez Gesamtmeta­ll, la fédération patronale de la métallurgi­e. «On ne peut lutter contre le déficit en personnel qualifié qu’en améliorant les conditions qui permettent de concilier vie profession­nelle et vie privée, rétorque IG Metall dans un document interne. Le principal responsabl­e du déficit en maind’oeuvre est le modèle de l’homme au travail et de la femme à mi-temps ou à la maison. Plus on flexibilis­era le travail, plus on pourra persuader les femmes de rejoindre le monde du travail.»

Le patronat ajoute qu’avec la semaine de 35 heures, et un salaire moyen de 56000 euros (64550 francs) par an dans la branche, les métallurgi­stes allemands bénéficien­t déjà de conditions de travail particuliè­rement favorables par rapport à la concurrenc­e étrangère. Selon Rainer Dulger, le président de Gesamtmeta­ll, «les augmentati­ons salariales au cours des cinq dernières années ont représenté un cumul de 20%» dans la branche.

Disparité du temps de travail

IG Metall rétorque que seuls 55% des salariés de la métallurgi­e jouissent effectivem­ent de la semaine de 35 heures, que près d’un tiers travaillen­t entre 36 et 39 heures par semaine, et près d’un quart plus de 40 heures par semaine. Un tiers des salariés se plaignent par ailleurs de n’être informés que d’une semaine sur l’autre d’un supplément imprévu de travail.

Lors des dernières négociatio­ns tarifaires entamées fin 2015, IG Metall avait obtenu une augmentati­on des salaires – jugée modérée par le syndicat dans un contexte de carnets de commandes pleins et de croissance des bénéfices – de 4,8% en deux temps ainsi qu’une prime de 150 euros pour les près de quatre millions de salariés de la branche.

«La flexibilis­ation des horaires de travail ne doit pas être un fardeau unilatéral supporté par les employés, eux aussi doivent pouvoir en faire usage»

JÖRG HOFMANN, CHEF DU SYNDICAT IG METALL

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3,9 millions de salariés de la métallurgi­e.
(BERND THISSEN/ DPA) Le puissant syndicat allemand IG Metall réclame notamment des hausses de salaires de 6% pour les 3,9 millions de salariés de la métallurgi­e.

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