Trump vide l’Unesco de sa substance
La décision de l’administration de Donald Trump de quitter l’organisation internationale n’est pas une vraie surprise. Mais elle inquiète tant elle pourrait en annoncer d’autres, dont celle de se retirer du Conseil des droits de l’homme à Genève
Les Etats-Unis ont annoncé hier qu’ils allaient quitter l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco). Dans la foulée, Israël a annoncé qu’il allait également préparer son retrait. Les deux procédures sont vraisemblablement liées
En 2011, après que la Palestine eut été acceptée comme membre de l’Unesco, l’administration Obama avait réduit de 22% ses contributions à l’agence onusienne. Hier, son successeur, Donald Trump, a fait un pas de plus en annonçant que les Etats-Unis se retiraient de l’Unesco, gardienne du patrimoine mondial de l’humanité. «C’est une perte pour la famille des Nations unies. C’est une perte pour le multilatéralisme», a déploré la directrice sortante de l’Unesco, la Bulgare Irina Bokova.
La décision américaine illustre le scepticisme de la Maison-Blanche envers l’ONU et le multilatéralisme, mais aussi l’alignement de Washington sur les positions du premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou. Le communiqué du Département d’Etat est explicite: il dénonce l’attitude constamment anti-israélienne de l’organisation installée à Paris.
Benyamin Netanyahou a d’ailleurs immédiatement confié à son Ministère des affaires étrangères le soin de préparer le retrait de l’Etat hébreu de l’Unesco.
Le départ des Etats-Unis va porter un coup supplémentaire à l’Unesco, déjà en difficultés financières. Washington, dont les arriérés envers l’organisation s’élèvent à plus de 500 millions de dollars, verse un cinquième de son financement,
Le moment choisi pour annoncer ce départ (qui sera effectif au 31 décembre 2018) est pour le moins délicat. L’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture élit en effet cette semaine son futur directeur général.
«C’est une perte pour la famille des Nations unies» IRINA BOKOVA, DIRECTRICE SORTANTE DE L’UNESCO
L’administration de Donald Trump a le sens de la dramaturgie. Elle a annoncé jeudi que les Etats-Unis se retiraient de l’Unesco, gardienne du patrimoine mondial de l’humanité. Un retrait qui ne sera effectif que le 31 décembre 2018. Le moment choisi est pour le moins délicat. L’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture élit cette semaine son futur directeur général.
La décision américaine illustre le franc scepticisme de la Maison-Blanche envers l’ONU et l’alignement de Washington sur les positions du premier ministre israélien Benyamin Netanyahou. Le communiqué du Département d’Etat est explicite: il dénonce l’attitude constamment anti-israélienne de l’organisation installée à Paris. Dans la soirée, le premier ministre israélien a qualifié de «courageuse et morale» la décision américaine, lui qui décrit l’Unesco comme un «théâtre de l’absurde» qui, au lieu de «préserver l’histoire, la falsifie». Il a appelé le Ministère des affaires étrangères à préparer le retrait israélien de l’organisation.
De son côté, la France, Etat hôte de l’organisation, a déploré le choix américain, relevant que l’Unesco mène une action essentielle «dans les secteurs prioritaires de l’éducation, de la prévention de la radicalisation et de la protection du patrimoine en péril. Son action concourt à la réalisation de l’objectif de paix commun aux Nations unies».
Le Conseil des droits de l’homme critiqué
«C’est une perte pour la famille des Nations unies. C’est une perte pour le multilatéralisme», a déploré la directrice sortante de l’Unesco, la Bulgare Irina Bokova. Si le retrait américain n’est pas une vraie surprise, tant Donald Trump et son ambassadrice auprès de l’ONU Nikki Haley ont une vision radicale de la manière dont l’ONU devrait fonctionner, il ne manque pas d’inquiéter. Il pourrait en effet annoncer d’autres décisions douloureuses. En marge de l’Assemblée générale des Nations unies en septembre à New York, les Etats-Unis ont organisé, avec le RoyaumeUni et les Pays-Bas, un événement exhortant à de profondes réformes du Conseil des droits de l’homme (CDH) créé en 2006 et basé à Genève. Venue dans la Cité de Calvin en juin, Nikki Haley avait fustigé le CDH et notamment la «clause scandaleuse» de son ordre du jour, le point 7, consacré exclusivement à Israël. Washington appelle à n’élire que les nations vertueuses… Après l’Unesco, l’institution genevoise pourrait être la prochaine victime de la Maison-Blanche.
L’administration Trump n’est pas la première à avoir maille à partir avec l’Unesco. En 1984, le président républicain Ronald Reagan avait décidé de claquer la porte de l’enceinte onusienne jugée trop pro-soviétique. Les Etats-Unis l’avaient réintégrée sous George W. Bush en 2002. Mais en 2011, après que la Palestine eut été acceptée comme membre, l’administration du démocrate Barack Obama s’était vue contrainte de réduire de 22% la contribution des Etats-Unis à l’agence onusienne. Une loi adoptée par le Congrès en 1994 interdit à l’Amérique de financer toute organisation accordant le statut de membres aux Palestiniens.
Deux événements récents ont précipité les choses. En 2015, l’Unesco a adopté une résolution qui condamnait Israël pour mal entretenir les sites classés de Jérusalem et qui qualifiait le «dôme du Rocher», appelé «mont du Temple» par les Israéliens, comme un lieu saint exclusivement musulman. Cette année, l’organisation a inscrit au patrimoine mondial de l’humanité Hébron, en Cisjordanie occupée. Une décision «délirante» selon Netanyahou. Dans cette ville où les tensions sont permanentes vivent 200000 Palestiniens et quelques centaines de colons israéliens.
Candidature controversée
Le départ des Etats-Unis va porter un coup supplémentaire à l’Unesco, déjà en difficultés financières. Washington verse un cinquième du financement de l’organisation, soit 80 millions de dollars par an. Pour Donald Trump, qui a toujours vu son prédécesseur Barack Obama comme l’un des présidents les plus anti-israéliens dans l’histoire des Etats-Unis en raison de la prise de distance de l’administration démocrate avec le gouvernement Netanyahou, s’aligner pleinement sur Israël ne peut qu’être bénéfique au niveau de sa base électorale.
Pour couronner le tout, la candidature, au poste de directeur général de l’Unesco, du controversé Qatari Hamad bin Abdoulaziz al-Kawari, accusé d’antisémitisme par le Centre Simon Wiesenthal Europe, n’arrange rien. Paris a bien saisi l’enjeu, montant au front pour défendre Audrey Azoulay, ex-ministre de la Culture dont la candidature revêt, pour la France, «une signification nouvelle» au vu des circonstances.
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«C’est une perte pour la famille des Nations unies. C’est une perte pour le multilatéralisme» IRINA BOKOVA,
DIRECTRICE SORTANTE DE L’UNESCO