Enquête suisse sur le patron du PSG
Le Ministère public de la Confédération a ouvert une procédure pénale contre Nasser al-Khelaïfi dans le cadre de l’octroi de droits médias pour les Coupes du monde de football. Jérôme Valcke, ex-secrétaire général de la FIFA, est aussi visé
Le Ministère public de la Confédération (MPC) a annoncé jeudi dans un communiqué qu’une enquête internationale était ouverte depuis le 20 mars 2017 à l’encontre de trois personnalités du monde sportif: l’ancien secrétaire général de la FIFA Jérôme Valcke, le directeur de la société BeIN Media Group Nasser al-Khelaïfi, plus connu pour ses fonctions de président du Paris Saint-Germain, et d’«un homme d’affaires actif dans le domaine des droits sportifs», sans plus de précision.
Ces trois hommes sont soupçonnés de «corruption privée», «gestion déloyale» et «faux dans les titres». Selon le communiqué, «Jérôme Valcke est soupçonné d’avoir accepté des avantages indus en lien avec l’octroi de droits médias dans certains pays, de la part d’un homme d’affaires actif dans le domaine des droits sportifs en ce qui concerne les Coupes du monde de football de 2018, 2022, 2026 et 2030, et de la part de Nasser al-Khelaïfi en ce qui concerne les Coupes du monde 2026 et 2030».
D’après une source proche du dossier, Nasser al-Khelaïfi aurait notamment mis à disposition de Jérôme Valcke et de sa famille une somptueuse propriété en Sardaigne. Selon Le Monde, le fils de Jérôme Valcke a également été salarié du Paris Saint-Germain entre janvier et juillet 2013.
Entraide judiciaire
Peu avant la publication du communiqué du Ministère public, des perquisitions ont été menées simultanément en Espagne, en Italie, en Grèce et en France. A Paris, les bureaux de la chaîne de télévision BeIN Sports ont reçu la visite surprise de deux magistrats du Parquet national financier (PNF), accompagnés d’enquêteurs anticorruption. Dans son communiqué, le Ministère public souligne que «ces actions se sont déroulées dans le cadre de l’entraide judiciaire, sur demande et en présence du MPC».
Il y a plusieurs semaines déjà que des rumeurs s’échappaient du Palais fédéral. Des sources proches de l’ambassade de Suisse au Qatar faisaient état de nombreuses demandes d’entraide judiciaire formulées par le MPC. Sollicité le 22 septembre par Le Temps pour une interview, le bureau du procureur général Michael Lauber répondait par la négative le 4 octobre, un délai étonnamment long. Le moment n’était sans doute pas encore venu.
Un péplum judiciaire
Déjà sous le coup d’une précédente procédure pénale du MPC, Jérôme Valcke, qui recourait le 11 octobre à Lausanne devant le TAS de sa suspension de dix ans de la FIFA pour une affaire de revente de billets du Mondial 2014, a été auditionné jeudi en qualité de prévenu par des représentants du MPC, indique le communiqué. Cette confrontation est sans doute ce qui a motivé le déclenchement des opérations et la médiatisation de l’affaire.
En 2015, lors de la spectaculaire descente de police à l’hôtel Baur au Lac de Zurich où séjournaient plusieurs dignitaires de la FIFA, la justice suisse n’avait eu qu’un rôle subalterne, en soutien des Etats-Unis. Cette fois, l’initiative de cette opération d’envergure internationale revient entièrement à Berne. Dans un communiqué publié jeudi après-midi, le Parquet national financier (français) précisait bien avoir agi «après avoir été sollicité par la justice suisse».
Celle-ci enquête depuis près de sept mois sur ce dossier. Un énorme travail. Lorgnant vers le péplum judiciaire, le communiqué du MPC livre quelques chiffres destinés à donner le tournis: 180 annonces MROS (des messages automatiques d’alerte délivrés par les banques lorsque apparaissent des transactions potentiellement suspectes), 25 enquêtes liées au football menées en parallèle, 19 téraoctets de données séquestrées à analyser.
La détention préventive n’est pas requise
Malgré ce travail considérable, «aucune personne ne se trouve en détention préventive. La présomption d‘innocence prévaut pour toutes les personnes impliquées», souligne le communiqué. En mai 2015, six membres de la FIFA avaient été immédiatement placés en détention préventive. Cette fois, le MPC estime soit ne pas avoir de preuves suffisantes, soit que les risques de fuites sont trop faibles.
Ancien journaliste de Canal+ devenu bras droit de Sepp Blatter, Jérôme Valcke (57 ans) vit désormais à Barcelone où il a monté une société dans l’événementiel. Mercredi, à la sortie de son audience devant le TAS, il assurait à l’AFP avoir «toujours fait [son] job de la meilleure manière possible» et n’avoir «jamais agi contre les intérêts de la FIFA». Il a pourtant été limogé en janvier 2016 après avoir été mis en cause dans une affaire de revente de billets du Mondial 2014 et accusé d’avoir utilisé des jets privés à des fins personnelles.
Le Qatari Nasser al-Khelaïfi, 43 ans, fut un modeste joueur de tennis (995e mondial en 2002) avant de connaître une carrière fulgurante dans le sport business Des perquisitions ont été menées simultanément en Espagne, en Italie, en Grèce et en France
La Commission d’éthique de la FIFA l’a également reconnu coupable d’avoir tenté de commercialiser des droits de retransmission à des prix inférieurs à leur valeur et d’avoir détruit des preuves.
Nasser al-Khelaïfi, 43 ans, fut un modeste joueur de tennis (995e mondial en 2002) avant de connaître une carrière fulgurante dans le sport business, tout d’abord au sein de BeIN Sports, puis au PSG dont il devient le président en novembre 2011. Les transferts cet été du Brésilien Neymar et du Français Kylian Mbappé, pour un montant total record de plus de 400 millions d’euros, l’ont placé comme un acteur désormais incontournable.
Perçu comme une menace par les grands clubs institutionnels européens, «Nasser» est considéré par la chaîne ESPN comme la septième personnalité la plus influente du football actuel. L’Equipe l’identifie comme le véritable homme fort du football français.
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