Jura: une agression attise la haine
Un jeune Noir qui violente un jeune Blanc, et la haine qui enfle sur Facebook. Une vidéo publiée sur un fait divers a dû être retirée du réseau après que la police s’en est mêlée. Les aigreurs n’en ont que redoublé
«Menaces de représailles, appels à la haine raciale, injures… C’est le genre de commentaires qui ont fleuri sur Facebook, mardi soir, après la diffusion et le partage d’une vidéo» filmée par smartphone qui montre une agression en gare de Delémont. Un film publié par la mère de la victime, assorti d’un commentaire stigmatisant les étrangers, lit-on dans 20 minutes: un jeune Blanc insulté puis «malmené, poussé à terre et intimidé par un Noir, sous les rires d’un groupe de personnes qui filment la scène avant que la victime ne quitte les lieux, seule». Mêmes infos sur le site de la RTS, sous la plume de son journaliste Gaël Klein, dont la collègue Magali Philip, spécialiste des réseaux sociaux, publie dans la foulée une photo du post sur Twitter.
Inutile, à ce stade, de préciser que les réactions se sont évidemment focalisées «sur la couleur de peau de l’auteur de l’agression». Devant l’inflation des vues, commentaires et partages du document, qui se comptent par dizaines de milliers, la vidéo a été supprimée sur le conseil de la police cantonale. Qui ajoute: «Si de nouveaux commentaires appelant à la haine, aux représailles ou encore menaçant ou injuriant des personnes devaient apparaître, le Ministère public, conjointement avec la police, entamera les poursuites pénales nécessaires à faire cesser ces agissements.»
Mais comme presque toujours dans ce genre de cas, la «censure» de contenus jugés répréhensibles su les réseaux s’avère contre-productive et fait enfler la polémique. «Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. Comment pouvons-nous accepter cela?» s’indignent @LEDOUAISIEN sur Twitter et le site LesObservateurs.ch: «Voilà comment nos jeunes sont traités par des Africains.» Et ladite vidéo, confirme 20 minutes, continue «de circuler, largement relayée par des pages Facebook ou des sites d’extrême droite» excités par le communiqué de police… également publié sur Facebook. Rebelote: les avertissements de la police jurassienne s’attirent les foudres de certains internautes, où se glissent quelques trolls russes particulièrement insultants pour les «Occidentaux». D’autres commentaires s’avèrent tout aussi violents, ce qui ajoute une nouvelle couche d’intolérance sur le fait divers.
Sur sa page Facebook cette fois, donc hors antenne, Gaël Klein se lâche: tout cela démontre, «à en vomir, les propos que le genre humain est capable de générer contre l’étranger en général, et le réfugié en particulier. […] Edifiant et écoeurant à la fois. On aura pu aussi constater l’absence totale de modération, hormis celle tentée par quelques rares intrépides qui ont osé s’élever contre la vindicte populaire et le lynchage gratuit. […] «La preuve du pire, c’est la foule», écrivait Sénèque, lui qui aurait voulu que l’humanité soit en harmonie avec son environnement quotidien. Il ne connaissait pourtant pas encore Facebook.»
Un internaute lui répond: «J’ai été dans les premiers à lire la publication et j’ai vite compris que ça allait dans tous les sens et que le troupeau allait suivre. La masse, pas d’esprit d’analyse. […] C’est ça, les réseaux sociaux.» Et le débat se poursuit aussi avec les commentaires adressés aux Observateurs.ch, comme celui-ci: «A voir cette vidéo, on se demande si elle ne mérite pas de constituer désormais une source factuelle ineffaçable, permettant de démontrer à tout le monde que l’Afrique semble en mesure de venir socialiser l’Europe ainsi que l’Occident en y transformant son système éducatif et de lois avec un tout autre rapport au respect de la vie humaine et à sa dignité…» L’avertissement est clair.
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Une altercation qui démarre sous un prétexte futile, et une déferlante qui envahit les réseaux sociaux.