Genève mène le bal
Décernés jeudi soir à Fribourg, les sésames récompensent cette année trois Genevoises d’origine ou d’adoption, dont la chorégraphe argentine Noemi Lapzeson
La courbe gracieuse du Jet d'eau incitet-elle les corps à se déployer pareillement vers le ciel? Au bout du lac, les grands écarts et autres roulés semblent en tout cas s'épanouir avec une certaine légèreté. Des prouesses qui ne passent pas inaperçues. Remis jeudi soir au théâtre Equilibre de Fribourg par l'Office fédéral de la culture en présence d'Alain Berset, les Prix suisses de danse ont récompensé cette année trois danseuses établies de longue date à Genève.
Pieds nus
La première lauréate a d'ailleurs très certainement contribué au rayonnement bondissant de la Cité de Calvin. Noemi Lapzeson, danseuse et chorégraphe d'origine argentine, s'est vu remettre le Grand Prix qui célèbre l'engagement d'une vie pour l'art en mouvement. Pas étonnant pour celle qui, à 77 ans, a passé trois décennies à enseigner la danse contemporaine à Genève.
Née à Buenos Aires, Noemi Lapzeson esquisse ses premiers pas chassés à l'Institut Jacques-Dalcroze avant de s'envoler pour New York alors qu'elle n'a que 16 ans et ne parle pas un mot d'anglais. Là-bas, la jeune fille suit les cours de la Julliard School puis ceux de la fascinante, mais intransigeante, chorégraphe américaine Martha Graham, qui l'acceptera par la suite dans sa compagnie.
Lorsqu'elle s'installe à Genève dans les années 80, la danse contemporaine en est encore à ses balbutiements. Noemi Lapzeson ne quittera pourtant plus jamais la Suisse romande, où elle marque les esprits avec des créations comme There is Another Shore, You Know, où elle apparaît les pieds nus, l'énergie presque animale. «Son style allie technique pointue, raffinement et souplesse, en intégrant notamment des touches d'arts martiaux», détaille Esther Sutter, présidente du jury des Prix suisses de danse.
Le corps intelligent
Mais Noemi Lapzeson veut aussi transmettre. Avec douceur et empathie, puisque c'est son credo. La chorégraphe donne des cours au Ballet du Grand Théâtre et fonde même l'Association pour la danse contemporaine (ADC) en 1986 qui a suscité depuis les vocations de toute une génération.
«La réflexion est au coeur de son enseignement, qui reflète de grands thèmes littéraires, philosophiques et sociétaux. En montrant que le corps possède lui aussi une intelligence, Noemi a formé des danseurs éclairés», relate Esther Sutter.
Parmi eux, Marthe Krummenacher et Tamara Bacci, toutes deux lauréates du prix Danseuse exceptionnelle et installées à Genève. Des personnalités qui ont participé à ancrer la danse et cultiver l'excellence dans la région. «Si les infrastructures y sont autant développées, c'est parce que les danseurs ont lutté pour convaincre la ville et le canton de l'importance de leur discipline, note Esther Sutter. Aujourd'hui, on peut dire que Genève est réellement la ville de la danse.»
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