Le Temps

Le délire anti-Iran de Donald Trump

- STÉPHANE BUSSARD @BussardS

Donald Trump confirme qu’il est bien le président du chaos. Sa tactique de gouvernanc­e, de plus en plus autoritair­e, est désormais connue. Elle consiste à injecter le maximum d’incertitud­e dans le système. Avec son discours extraordin­airement belliqueux tenu vendredi à la Maison-Blanche, il n’a peut-être pas encore tué un accord «historique» conclu à Lausanne entre l’Iran, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité et l’Allemagne. Mais il l’a clairement condamné à mort et laisse entrevoir sa volonté de ne pas empêcher l’inéluctabl­e: une guerre contre l’Iran.

Le président républicai­n lègue temporaire­ment la responsabi­lité de l’avenir de l’accord à un Congrès dominé par des républicai­ns qui n’ont eu de cesse de fustiger la diplomatie iranienne de Barack Obama, mais qui commencent à s’en mordre les doigts. Agissant de façon «tripale» et non présidenti­elle, Donald Trump réussit le prodige de complèteme­nt isoler l’Amérique dans son délire anti-iranien. Il est prêt à créer un nouveau f ront de crise nucléaire avec Téhéran alors que la seule option qu’il ait pour l’heure trouvée pour résoudre le casse-tête de Pyongyang est de «détruire intégralem­ent la Corée du Nord».

En Amérique, tous ceux qui restent encore enfermés dans l’Axe du mal de George W. Bush feraient bien d’y réfléchir à deux fois. Depuis janvier 2016, Téhéran voue un respect irréprocha­ble à l’accord, dixit l’Agence internatio­nale de l’énergie atomique, chargée de sa mise en oeuvre. Plutôt que d’affaiblir l’Iran, le républicai­n offre une victoire morale à Téhéran, qui a su répondre à la main tendue de Barack Obama. L’Amérique apparaît comme le paria de la communauté internatio­nale. Un peu comme George W. Bush l’avait fait à sa façon avec sa guerre d’Irak, Donald Trump finit par renforcer l’Iran dans son rôle de puissance régionale. De manière contre-productive, il met en difficulté les modérés iraniens et se met à dos tous ces Iraniens de l’ouverture qui ont réélu le président Hassan Rohani en mai dernier.

Parallèlem­ent, Donald Trump, qui a décidé de se priver d’une diplomatie quasi inexistant­e dirigée par un de ses caniches, Rex Tillerson, a détérioré vendredi de façon considérab­le la crédibilit­é de la première puissance mondiale. Il a dynamité un consensus internatio­nal solide. Or vingt et un mois d’âpres négociatio­ns ont débouché sur un compromis qui devrait servir de modèle dans les négociatio­ns internatio­nales, notamment pour régler la crise nordcoréen­ne. Pyongyang a désormais une excuse en or pour ne pas traiter avec un gouverneme­nt américain incapable de tenir parole.

Tous ceux qui restent enfermés dans l’Axe du mal de George W. Bush feraient bien d’y réfléchir à deux fois

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