«L’Etat n’a pas à légiférer sur un vêtement»
Un comité interpartis s’est formé pour mener campagne contre l’initiative pour l’interdiction de la burqa. Entretien avec son président, Andrea Caroni
Les Suisses se prononceront sur une interdiction de la burqa: l’initiative populaire du Comité d’Egerkingen, qui vise à interdire de se dissimuler le visage dans l’espace public, a abouti. Une contre-offensive se prépare. Andrea Caroni, conseiller aux Etats PLR d’Appenzell Rhodes-Extérieures, a rassemblé un comité de sept membres tous partis confondus, parmi lesquels l’UDC Claudio Zanetti (ZH), le conseiller aux Etats socialiste Hans Stöckli (BE) ou la conseillère nationale PDC Barbara Schmid-Federer (ZH).
Pourquoi vous opposer à cette initiative? Par conviction libérale: l’Etat n’a pas à légiférer sur les vêtements des citoyens. De plus, cette loi ne réglerait pas les problèmes qu’elle prétend combattre, elle ne ferait que générer de la bureaucratie et limiter la liberté et la sphère privée des individus. Les initiants jouent le jeu des extrémistes: comme eux, ils cherchent à créer des tensions en agitant des symboles.
L’Etat ne doit-il pas donner un signal clair contre une pratique liberticide? La loi interdit déjà toute contrainte. Soudain, des cercles conservateurs, qui ne se préoccupent d’ordinaire jamais d’égalité entre les sexes, prétendent se battre pour la liberté d’une poignée de touristes féminines des pays du Golfe. C’est révélateur de l’hypocrisie des initiants: cette campagne est un prétexte.
Comment éviter que des personnes ne vivent dans une société parallèle? Il existe déjà des solutions. Dans la nouvelle loi sur les étrangers, l’intégration est une condition pour obtenir un permis de séjour ou même une naturalisation en Suisse. Une femme portant une burqa aura des difficultés à démontrer son intégration.
Que faites-vous de la sécurité? Cet argument pèche par manque de preuve. On n’a jamais vu en Europe un attentat commis par une femme en burqa. Tout citoyen devrait pouvoir se promener en ville sans forcément être identifié par tout le monde. C’est différent dans une foule, comme lors d’une manifestation, mais là aussi, les lois nécessaires existent déjà.
Les sondages montrent que les Suisses sont plutôt favorables à une interdiction de la burqa. Votre combat est-il perdu d’avance? Je ne crois pas. Le Tessin a dit oui à une interdiction de la burqa, mais Glaris, un canton plutôt conservateur, a dit non. C’est un autre argument contre cette initiative: elle nuit au fédéralisme. Laissons les femmes décider, et laissons les cantons décider.
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