Deux Suisses sur quatre passent le cap des quarts
En Chine ou en Autriche, Roger Federer, Belinda Bencic, Stefanie Vögele et Viktorija Golubic disputaient tous un quart de finale vendredi. Avec des ambitions et des fortunes diverses
En tennis, le cap des quarts de finale marque l’entrée dans un autre tournoi. On passe aux choses sérieuses. C’est là que tout s’arrête pour celles et ceux qui arrivent de nulle part; c’est là que tout commence vraiment pour ceux ou celles qui veulent aller loin. Le rythme s’accélère: d’un tour un jour sur deux on passe, si l’on va jusqu’en finale, à une série de trois matches en trois jours. C’est le vendredi, presque le week-end, et (à moins de s’appeler Federer) il y a enfin un peu de monde dans les gradins.
Vendredi 13, foin de superstition, quatre Suisses, trois jeunes femmes et Roger Federer, étaient sur le pont pour prendre leur quart. Un joli tir groupé sachant que le tennis suisse ne compte que sept joueurs compétitifs au plus haut niveau, dont deux, Timea Bacsinszky et Stan Wawrinka, sont actuellement blessés. Seul Henri Laaksonen, éliminé le week-end dernier au dernier tour des qualifications du tournoi Masters 1000 de Shanghai, manquait à l’appel mais il était sans doute un peu fatigué après sa demi-finale à Shenzhen contre le Belge David Goffin.
Stefanie Vögele, Sisyphe en jupette
Première à entrer en piste à Tianjin (Chine), Stefanie Vögele n’est pas habituée à pareille fête. Surtout face à Maria Sharapova. A 27 ans, l ’Argovienne vivote au-delà de la 100e place mondiale. Elle n’a gagné qu’un titre, un modeste ITF à Andrézieu en 2016, et n’a accroché qu’une fois (en 2015) un troisième tour en Grand Chelem. Elle n’a rien, ni dans son apparence, ni dans son comportement, ni dans son jeu, qui pourrait la distinguer et compenser aux yeux du public son manque de résultat.
Elle est néanmoins pleine de courage et s’efforce de revenir après une blessure au poignet droit qui l’a tenue éloignée du circuit durant six mois. Elle est retombée jusqu’au 200e rang mondial, dont elle tente de s’extraire sans l’aide de personne. Les organisateurs, à Tianjin cette semaine comme à Mos- cou la semaine prochaine, préfèrent réserver leurs invitations à Maria Sharapova, elle aussi mal classée (actuellement 86e) après une suspension pour dopage. La Russe attire le public, les sponsors et les médias.
Federer dans la ligne droite
Il n’y a pourtant pas foule lorsque les deux joueuses entament leur partie. Les spectateurs n’ont d’yeux que pour Sharapova mais Stefanie Vögele réussit un break sur le premier jeu. Sharapova se calme, refait son service de retard, et fait ensuite passer le score de 3-3 à 6-3 4-0. Le joli parcours de Vögele, issue des qualifications, s’achève un peu abruptement (6-3 6-1). Mais cette Sisyphe en jupette, déjà quart de finaliste le mois dernier à Tachkent, se consolera sans doute lundi. Les points gagnés en Chine la rapprocheront de la 150e place mondiale.
Roger Federer en quart de finale, c’est pour lui le service minimum. Le Bâlois survole les tournois auxquels il participe cette saison. Après l’US Open, un petit break et sa Laver Cup organisée (et gagnée) à Prague, le voici à Shanghai. D’ordinaire, il y fait une sorte de tournée promotionnelle, tant sa popularité frise l’idolâtrie en Asie. Cette année, c’est un peu différent. Après avoir cru devoir faire une croix sur ses rêves de redevenir numéro un mondial, le Suisse ambitionne de nouveau de détrôner Rafael Nadal.
Pour y parvenir, il est condamné à l’excellence. Car son rival, censé caler dans les tournois indoor, ne montre guère de signe d’essoufflement. Nadal en est à 15 victoires consécutives sur «dur». Il a certes peiné pour se défaire de Grigor Dimitrov (6-4 6-7 6-3) mais s’il bat Marin Cilic samedi en demi-finale, il obligera Federer à gagner tous les tournois de fin de saison: Bâle, Bercy, le Masters et bien sûr Shanghai où l’éternel duo pourrait se retrouver en finale.
A en croire la forme qu’il affiche en Chine, Roger Federer en est capable. Richard Gasquet, battu 7-5 6-4, ne lui a pas posé plus de problème vendredi que Dolgopolov ou Schwarzman aux tours précédents. Sa demi- finale samedi contre Juan Martin Del Potro pourrait être d’un tout autre niveau mais l’Argentin n’est pas sûr de pouvoir tenir sa raquette, et donc sa place. Il souffre de nouveau du poignet.
Belinda Bencic remonte la pente
Nous avions laissé Belinda Bencic fin septembre à Clermont-Ferrand, dans un petit tournoi ITF. Elle ne l’a pas gagné mais elle a repris confiance et encore grappillé quelques places au classement. A Linz, au bord du Danube, elle retrouve la catégorie supérieure (WTA) grâce à une invitation.
A l’échauffement, la sono a joué «Pretty Belinda», un vieux standard anglais qui a surtout marché en Allemagne et en Autriche. Elle s’est permis d’esquisser quelques pas de danse, flattée de ces petites attentions qu’on lui prête de nouveau.
En f ace, l a Roumaine Mihaela Buzarnescu était décidée à ne lui faire aucun cadeau. Issue des qualifications, elle aussi joue sa peau à chaque match. La rencontre a duré 2h30, ce qui est rare chez les filles. Elle fut plein de rebondissements, ce qui semble logique pour du tennis.
Belinda Bencic a perdu la première manche, a remporté la suivante après avoir sauvé trois balles de match consécutives à 4-5, en a encore écarté deux autres à 5-6 dans la manche décisive, avant de flancher dans le tie-break (4 points à 7). Elle s’incline finalement 6-4 5-7 7-6 mais peut être satisfaite. Elle aussi revient de six mois de pause, elle aussi a souffert du poignet. Elle aussi remonte petit à petit la pente.
Restait Viktorija Golubic, également engagée à Linz. Qu’elle gagne ou qu’elle perde, les matches de la Zurichoise durent généralement trois sets, parce que son talent et son intelligence ne font que compenser un service anémique et un moral défaillant. Mais cette fois, ce fut propre, limpide: 6-3 6-1. Son adversaire, la Suédoise Johanna Larsson, souffrait de la cuisse, ceci explique peutêtre cela.
Le malheur des unes fait le bonheur des autres: Golubic, qui n’avait pas gagné deux matches de suite cette saison, en enchaîne trois à Linz. Pour elle, comme pour Roger Federer, l’aventure continue.
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Federer ambitionne de nouveau de détrôner Nadal. Pour y parvenir, il est condamné à l’excellence