Le Temps

«FATALE-STATION», LES DESSOUS D’UNE INTRIGANTE SÉRIE TV QUÉBÉCOISE

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PAR NICOLAS DUFOUR t @NicoDufour Montré par Arte, ce feuilleton du Québec, western contempora­in, sort en DVD. Son créateur Stéphane Bourguigno­n raconte l’aventure d’une fiction originale

Sarah fuit un agresseur et arrive à la petite gare ferroviair­e de Fatale-Station. Charmante bourgade, avec son restaurant chinois au centre, sa jolie boucherie. Le village est dominé par O’Gallagher, une vétérane dure à cuire, qui impose l e mot d’ordre: à Fatale-Station, on ne veut pas de Sarah. Montrée par Arte et publiée en DVD, cette série ramène au premier plan la qualité et la fantaisie québécoise­s. Stéphane Bourguigno­n, son créateur, raconte l’aventure d’un feuilleton original.

A lire le résumé, on peut être inquiet, on redoute une énième

resucée de «Twin Peaks»… Mais il n’y a rien d’irrationne­l. J’ai d’abord présenté le projet sans son aspect f i nal de thriller. C’étaient les mêmes personnage­s, mais dans une autre structure. Le diffuseur [Radio-Canada] a aimé le projet, mais ne savait pas comment le prendre… J’ai donc tout repensé, en ajoutant cette dimension de thriller, avec des enjeux de vie ou de mort. Le diffuseur a vu trois scénarios, a fait ses commentair­es, et comme ça, nous sommes entrés dans une machine qui veille sur nous. Cela laisse penser que la chaîne a une grande influence?

Les chaînes sont moins invasives au Québec qu’e n Fra nc e , pa r exemple. Le diffuseur surveille la patente, mais dès lors qu’il dit oui, on a une grande liberté. En plus, Arte a préacheté la série en ayant tout l u, ce qui a permis des échanges fun et constructi­fs, cela a apporté une plus-value.

Maintenant, comment présen

tez-vous votre série? Au fond, c’est un western. On en utilise les codes, dès l’arrivée à la gare. Avec pour thèmes de fond, le fait de protéger sa maison et sa vie, ainsi que la vengeance.

Arte diffuse ses séries originales ou achetées le jeudi, les Danois aiment le dimanche: comment

cela se passe-t-il au Québec? Sur Radio-Canada, il y a normalemen­t des créneaux les lundis, mardis et mercredis soir. Parfois même quatre soirs dans la semaine. A chaque f ois, une série i nédite? C’est considérab­le! Oui, mais pas avec les mêmes bud- gets. Fatale-Station se situe dans le haut de l’échelle, à 700 000 dollars par épisode [550 000 francs, à peu près la même enveloppe que les séries RTS]. Il y a les téléromans, qui coûtent moins et qui sont tournés vite.

Pour vous, tout s’est fait en stu

dio? Au contraire, presque rien. Seule la chambre d’hôtel de Sarah est en studio. Nous avons tourné en extérieur, dans des vrais villages. Le principal lieu de tournage n’est pas loin de Montréal, pour une raison de budget: entre 40 et 80 kilomètres, il y a des dédommagem­ents imposés, il faut plus de repas et de temps libre pour l’équipe. Passé 80 kilomètres, il faut les loger… Nous avions un plateau de 50 personnes, nous ne pouvions pas payer pour une grande distance. Cer t ai ns amateurs reconnaiss­ent le comédien Claude Legault,

mais sinon vos acteurs sont peu

connus… Claude Legault est la plus grande vedette du Québec. Micheline Lanctôt, qui joue O’Gallagher, est aussi très connue. Macha Limonchik, qui joue Sarah, est ma femme, nous nous sommes connus sur le plateau de ma première série. Elle a encore une virginité par rapport au public, elle rend possible un mystère du personnage. Si nous avions choisi une actrice très connue, l’identifica­tion aurait été moins forte. L’air du temps politique est au retranchem­ent, aux partis souveraini­stes. Chez vous, un personnage, concurrent politique du maire, fait campagne en scandant «C’est moi qui décide», et O’Gallagher verrouille tout. Votre série est une métaphore de l’extrême droite – ou gauche… Pas d’extrême droite. La façon de gérer d’O’Gallagher tient du socialisme. Elle fournit du travail, elle nourrit les gens, elle s’arrange pour que tout le monde soit bien, mais d’une manière qui ne laisse aucune option à personne. Sarah, l’arrivante, est dangereuse pour la paix sociale. Il y a aussi une présence autochtone, qui pose la question de l’ouverture: au Québec, encore beaucoup de gens ne veulent rien avoir à faire avec les autochtone­s.

Au niveau fédéral, vous avez Justin Trudeau, c’est plus gla

mour que Donald Trump… Oui, mais n’oubliez pas que nous avons eu Stephen Harper [le précédent premier ministre canadien, conservate­ur]. Il n’était pas loin de Donald Trump, quand il empêchait les journalist­es d’accéder à certains endroits, quand i l refusait toutes formes de réponses… Il y a eu de quoi s’inspirer pour la fiction. ■

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(FABRICE GAÉTAN) La petite gare de Fatale-Station, un premier air de Far West.
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