PLONGÉE EN EAU TROUBLE
PAR MIREILLE DESCOMBES Le jeune écrivain romand publie le troisième volet de sa trilogie policière, «L’Ordre des choses». Pour découvrir le fin mot de l’histoire
Sébastien Meier est un jeune homme pressé. A 22 ans, il fondait sa propre maison d’édition, les Editions Paulette. A moins de 30 ans – il est né en 1988 –, l’écrivain romand a déjà publié une trilogie policière, dont le troisième volet, L'Ordre des choses, vient de sortir chez Zoé. On y parle mafia, corruption des mondes politique et économique, négoce des matières premières et piratage informatique. Rien de très original, en soi, si ce n’est que l’histoire est censée se passer tout près de chez nous, entre un hôtel de passe implanté sous-gare à Lausanne, l’hôpital psychiatrique de Cery, les salons feutrés de l’hôtel Beau-Rivage à Ouchy et la rue de la Serre à La Chaux-de-Fonds. De quoi offrir aux fans de l’écrivain un agréable service après vente en forme de visite guidée.
FANTÔMES RESSUSCITÉS
Situé entre 1989 et 2014, L'Ordre des choses reprend, développe et complète habilement l’intrigue des deux polars précédents. Ici, il éclaire une facette restée dans l’ombre; là, il fournit un indice qui permet d’enfin comprendre les vrais ressorts de l’intrigue. Dans les premiers chapitres, l’auteur remonte, si l’on peut dire, aux racines de l’histoire en évoquant l’assassinat du juge d’instruction Constant Bonnard, un homme intègre qui avait découvert de quoi faire tomber un personnage haut placé. On retrouve ensuite la courageuse et plus qu’ambivalente procureure Emilie Rossetti, le richissime et louche trader Beat Flückiger ainsi que quelques fantômes ressuscités par l’astuce de la chronologie, comme Jacques-Edouard Crosier – tué à la fin du premier livre par l’inspecteur de police Paul Bréguet, un fêtard décadent et désespéré par ailleurs neveu de Flückiger. Mais que les âmes sensibles se rassurent, tout finira bien, même si les «méchants» – les lecteurs de Tintin et les amateurs de James Bond le savent bien – peuvent avoir une fâcheuse tendance à survivre aux pires attentats.
MATIN GLAUQUE À CHAUDERON
L'Ordre des choses, nous assure la quatrième de couverture, peut parfaitement se «lire isolément». Savoir de quoi il retourne et connaître certains personnages peuvent toutefois aider à ne pas se perdre dans les méandres du récit. Cela permet aussi d’apprécier les efforts de l’auteur pour mieux rythmer son texte et affiner son style. Sans, malheureusement, toujours parfaitement maîtriser ses formules.
Pour Sébastien Meier, en effet, la peau des jambes peut-être «blême et imberbe», alors que sur le tapis ensanglanté «les mouches ont déjà commencé à nidifier». Que dire aussi de cette description d’un petit matin glauque à la place Chauderon: «Quelques trolleybus étaient déjà en service. Quelques rares passants aussi.» L'Ordre des choses est un livre qui fait parfois rire aux larmes. Pas sûr que ce soit le but premier de l’auteur. ▅