«LE DOSSIER M», UN MONSTRE SIGNÉ GRÉGOIRE BOUILLIER
Huit cents pages d’autoanalyse brillante, irritante, fascinante et addictive, qui en annoncent huit cents autres
◗ Les quelque huit cents pages du
Dossier M ont de quoi décourager, d’autant plus qu’un deuxième volume est annoncé pour janvier et qu’on peut consulter des bonus sur le site www.ledossierm.fr. Si toute- fois on se risque à ouvrir ce gros livre, le danger est grand de se faire capter et d’y passer beaucoup de temps, plus qu’on ne l’aurait voulu. On est pris en otage, comme par un ami un peu éméché, un peu désespéré, dont on écoute la logorrhée pendant toute une nuit, accoudés au bar, dans une lumière tamisée.
Ces confidences de bar sont d’ailleurs un des leitmotive du livre, avec toutes sortes de variantes et de renversements, et l’auteur s’adresse souvent au lecteur en le tutoyant, ce qui installe cette proximité – touchante, exaspérante, prenante. D’ailleurs, le livre est dédié «à qui veut bien». Et oui, on veut bien rester parce que la langue de Grégoire Bouillier est superbement vivante, riche, légère, sinuant entre les registres, addictive. Il pratique une autodérision sans concession, mais n’y reste jamais longtemps, partant en digressions, citations, histoires enchâssées. C’est un grand et géné- reux lecteur, sans une once de pédanterie. Dans Le Dossier M, on croise des philosophes allemands, Dante et Pulp Fiction, des scènes captées dans la rue, au bistrot ou au supermarché. Le livre est surtout extrêmement drôle, avec des blagues de quatre sous, des jeux de mots hilarants. C’est aussi un fabuleux document sur l’époque.
Le Dossier M vient après un long silence. Grégoire Bouillier est l’auteur de trois petits livres troublants