Le Temps

ICO: la Finma accompagne les efforts visant à développer la blockchain

- ME FABIEN GILLIOZ ME ALEXANDRE DE BOCCARD ÉTUDE D’AVOCATS OCHSNER & ASSOCIÉS

Tout en relevant qu’il n’existe actuelleme­nt pas de prescripti­ons spécifique­s s’appliquant aux Initial Coin Offering (ICO), tant sur le plan internatio­nal qu’au niveau suisse, la Finma donne un certain nombre de lignes directrice­s sur le traitement prudentiel des ICO. Le présent article vise dans un premier temps à qualifier juridiquem­ent une ICO d’un point de vue contractue­l, puis à résumer les lignes directrice­s communiqué­es par la Finma en matière réglementa­ire.

Il s’agit de déterminer si, lors d’une ICO, l’achat d’une pièce de monnaie («coin») ou d’un «token», qui n’a par hypothèse pas de valeur intrinsèqu­e lors de son achat, mais représente seulement un espoir d’une valeur future, constitue un contrat valable selon le droit suisse.

En droit suisse, la vente est un contrat par lequel le vendeur s’oblige à livrer la chose vendue à l’acheteur et à lui en transférer la propriété, moyennant un prix que l’acheteur s’engage à lui payer. La jurisprude­nce du Tribunal fédéral admet que des droits immatériel­s ou un avantage peuvent également être vendus. Selon la théorie générale du Code des obligation­s (CO), le contrat est parfait lorsque les parties ont, réciproque­ment et d’une manière concordant­e, manifesté leur volonté. En ce sens, un contrat serait ainsi conclu au moment de l’achat d’une monnaie virtuelle (coin).

Le CO prévoit toutefois certaines limites à la liberté contractue­lle. A titre d’exemple, la loi exclut les convention­s qui contrevien­nent à une règle de droit impérative ou qui sont contraires aux moeurs, à l’ordre public ou aux droits attachés à la personnali­té. Dans le cadre d’un contrat de vente, il n’existe pas de dispositio­n spéciale impérative interdisan­t l’achat d’une chose sans valeur au moment du paiement du prix. Cela étant, cette problémati­que est réglée par la partie générale du CO: en cas de disproport­ion évidente entre la prestation d’une des parties et la contre-prestation de l’autre, si le contrat a été conclu par l’exploitati­on de la gêne, de la légèreté ou de l’inexpérien­ce d’une des parties, celui-ci pourra être invalidé.

Dans la mesure où les risques liés à l’achat d’une pièce de monnaie ou d’un token sont clairs pour l’acheteur et mentionnés dans la documentat­ion relative à l’ICO, celui-ci aurait en pratique du mal à résilier son acquisitio­n en raison d’une lésion du contrat. Il convient également de souligner que, sauf convention contraire entre les parties, les profits et les risques de la chose passent à l’acquéreur dès la conclusion d’un contrat de vente. L’acheteur sera donc seul à supporter le risque que la monnaie achetée ne prenne jamais aucune valeur. La question de la validité d’une ICO se pose également d’un point de vue réglementa­ire.

Dans sa récente communicat­ion, la Finma rappelle tout d’abord que, lorsqu’une ICO ou la création d’un token correspond à une émission d’un moyen de paiement ou une opération de change, la loi sur le blanchimen­t d’argent (LBA) s’applique. Autrement dit, la société émettrice qui propose – par le biais d’une ICO – un moyen de paiement ou une opération de change est considérée comme intermédia­ire financier et soumise notamment à l’obligation d’être affiliée à un organisme d’autorégula­tion (OAR). Si les tokens sont considérés comme des valeurs mobilières, une autorisati­on en vertu de la loi sur les bourses et le commerce de valeurs mobilières (LBVM) est requise. Cela pourrait être le cas par exemple si la valeur du token dépend de l’évolution de la valeur d’un sous-jacent et que le token est considéré comme un produit dérivé. Par ailleurs, en cas d’administra­tion des fonds récoltés en commun par un ou des tiers, la question de l’applicatio­n de la loi sur les placements collectifs se pose également. La question d’un assujettis­sement à la loi sur les banques (LB) se pose en particulie­r lorsque l’ICO entraîne un engagement de l’exploitant de cet ICO envers les souscripte­urs.

Enfin, il ne faut pas oublier qu’en cas de marché secondaire organisé, la question de la loi sur l’infrastruc­ture des marchés financiers (LIMF) se pose aussi. Autrement dit, en fonction de la structurat­ion de l’ICO, une ou plusieurs autorisati­ons/affiliatio­ns, notamment de l’émetteur, sont requises en vertu de la réglementa­tion suisse, laquelle vise à garantir une protection des investisse­urs. En cas de non-respect ou de contournem­ent des lois susmention­nées, des procédures d’enforcemen­t sont ouvertes par la Finma, qui a d’ores et déjà liquidé plusieurs émetteurs ne respectant pas le cadre réglementa­ire suisse. Compte tenu notamment du risque de liquidatio­n (et des autres sanctions prévues par la réglementa­tion), tant les émetteurs d’ICO que les personnes envisagean­t de souscrire à une ICO devraient s’assurer au préalable de sa conformité d’un point de vue réglementa­ire.

«Lorsqu’une ICO correspond à une émission d’un moyen de paiement ou une opération de change, la loi sur le blanchimen­t s’applique»

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