Un appel depuis Genève pour améliorer le système fiscal global
La concurrence fiscale entre les Etats contribue à creuser les inégalités sociales, selon l’ONG québécoise TaxCoop réunie pour sa rencontre annuelle au Palais des Nations
Aux Etats-Unis, en pleine réforme de la fiscalité, les ménages privés contribuent via l'impôt à hauteur de 80% aux recettes publiques totales, ont souligné lundi les représentants de TaxCoop à l'occasion de leur conférence annuelle à Genève. La part des entreprises se monte, elle, à seulement 11%.
Une situation qui aggrave la précarité dans l'une des économies avancées «les plus enviées mais aussi les plus inéquitables du monde», selon TaxCoop. Cette initiative non partisane existe pour moderniser les régimes d'imposition et promouvoir le dialogue, a souligné Brigitte Alepin, professeure à l'Université du Québec et cofondatrice de TaxCoop.
A l'ère de la mondialisation des échanges et des avancées du Web, les fondements du système de taxation actuel sont jugés complètement dépassés. Les gouvernements s'engagent dans une compétition pour attirer et retenir les multinationales pour tenter de stimuler la reprise économique et la croissance à court terme, argumente TaxCoop. Avec pour résultat un manque à gagner pour le contrat social, mais aussi un jeu de la concurrence «faussé» en faveur des contribuables internationaux.
«La concurrence est aussi une incitation pour des finances publiques saines» XAVIER OBERSON, AVOCAT FISCALISTE ET PROFESSEUR À L’UNIVERSITÉ DE GENÈVE
L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) lutte contre l'évasion fiscale internationale. En particulier, elle s'attaque à la planification fiscale agressive, a rappelé Pascal Saint-Amans, directeur de politique et d'administration fiscale de l'OCDE. «La compétition fiscale n'est pas un problème, tant qu'elle n'est pas dommageable», a-t-il souligné, entendant par dommageable une concurrence «qui attire des profits qui ne sont pas liés à des activités».
C'est le principe du projet BEPS de l'OCDE et du G20, qui vise à lutter contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices. Il s'agit de corriger les lacunes dans le système actuel dont les multinationales profitent pour faire «disparaître» leurs bénéfices ou les transférer artificiellement vers des pays à fiscalité faible ou nulle, où elles n'exercent qu'une activité économique limitée, voire inexistante.
Corrections en Suisse aussi
Ces pratiques induiraient un manque à gagner pour les recettes publiques d'entre 100 et 240 milliards de dollars chaque année, selon les chiffres cités par l'OCDE. Soit de 4 à 10% des recettes de l'impôt sur les sociétés dans le monde.
L'OCDE a publié lundi un rapport intermédiaire sur les progrès en matière de modification des régimes fiscaux préférentiels, a annoncé Pascal Saint-Amans. Le rapport porte sur 164 régimes fiscaux préférentiels en vigueur dans plus de 100 juridictions.
En Suisse, de nombreux régimes devront être remaniés ou supprimés pour être conformes, a relevé le directeur. Le rapport rappelle que les régimes des sociétés auxiliaires (auparavant régime des sociétés domiciliaires), des sociétés mixtes ou holdings sont en cours de suppression dans le cadre de la nouvelle mouture de la réforme de la fiscalité des entreprises, Projet fiscal 17.
«La compétitivité est nécessaire, surtout pour un petit pays, au risque de mettre en péril ses finances publiques», renchérit Xavier Oberson, interrogé en marge de la conférence. Dans le jeu de la concurrence fiscale globale, la Suisse est gagnante. «Un peu trop aux yeux d'autres pays», ajoute l'avocat fiscaliste et professeur à l'Université de Genève.
«La concurrence est aussi une incitation pour des finances publiques saines», soutient Xavier Oberson. Cette règle s'applique également au niveau des cantons, selon le spécialiste, qui met en exergue les avantages d'un système basé sur l'harmonisation de la base imposable et non pas des taux.
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