Le Temps

Les vertus d’un saut dans l’inconnu. Nos offres d’emploi

- SILNA BORTER PROFESSEUR­E À LA HAUTE ÉCOLE D’INGÉNIERIE ET DE GESTION DU CANTON DE VAUD

Les organisati­ons ont parfois des projets « dormants » , des briques d’idées qui sommeillen­t au fond de tiroirs et dont ils ne sauront jamais si c’était une bonne idée ou s’il valait mieux faire de la place pour du neuf. Ces briques d’idées, sans être révolution­naires ou hautement technologi­ques, pourraient être assemblées en de beaux édifices par des gens qui savent les construire (ou même par des gens qui doivent apprendre à le faire).

Parfois, il suffirait de trouver le bon ouvrier ou maître d’oeuvre, pour savoir si ses briques ont de la valeur. Mais qui prendra la peine de les sortir des caves où elles dorment et de leur donner un peu d’allure? D’autant plus que les maîtres d’oeuvre ont autre chose à faire que visiter les caves et écouter poliment tous les détenteurs de briques d’idées qui leur vendent comme des châteaux en Espagne leurs morceaux de cailloux de rien du tout.

En fait, ce serait plus simple s’il y avait des marchés aux briques d’idées, où l’on pourrait déverser toutes ses pépites devant soi et être mis en contact avec des ouvriers intéressés à les utiliser. Il suffirait de quelques minutes pour pouvoir évaluer si la brique est intéressan­te pour l’ouvrier ou si ce n’est pas la peine d’insister. Peut-être qu’en rencontran­t cinq ou six ouvriers de suite, on se ferait rapidement une idée pour savoir si la brique d’idée peut trouver preneur ou s’il vaut mieux s’en débarrasse­r.

Dans ce marché aux briques d’idées, tout le monde serait gagnant ou trouverait du moins ses réponses, en un temps optimisé. Mais pour cela, il faut que quelqu’un s’occupe de la mise en relation entre l es détenteurs de briques d’idées et les ouvriers ou les maîtres d’oeuvre.

Bien sûr, idéalement, chaque détenteur de briques voudrait être mis en contact avec l e meilleur maître d’oeuvre, qui ne voudrait lui-même qu’avoir les meilleures briques. Parfois, allez savoir pourquoi, les gens ont une très mauvaise estimation de leurs besoins. Ainsi, il faudrait une personne pleine de bon sens, qui mette en contact les personnes en tenant compte de leurs besoins, mais sans trop les écouter.

Les marieuses ont, de tout temps, compris l’intérêt qu’il y avait à mettre dans la même pièce des personnes qui ne se seraient peut-être jamais rencontrée­s d’elles- mêmes et qui ne savent pas encore à quel point elles pourraient se compléter. Cela s’appelle le matchmakin­g. Ce modèle est de plus en plus utilisé dans le monde des affaires. S’il n’est pas très romantique, il est très efficace. Reste qu’il faut de bonnes marieuses. Soit des personnes pragmatiqu­es et sensibles, qui comprennen­t la valeur des briques d’idées sans forcément être ouvrières et qui savent tenir compte des besoins des ouvriers mais sans les prendre trop au pied de la lettre.

Dans le monde réel, cela se fait sous la forme d’une base de données assortie de croisement­s complexes, grâce à un algorithme performant. L’équivalent n’existe pas encore pour assortir les briques d’idées et les ouvriers, même si des modèles ont déjà été testés. Le plus convaincan­t reste encore de mettre en contact artisanale­ment l es organisati­ons détentrice­s de briques d’idées avec des personnes susceptibl­es de s’y intéresser, comme des chercheurs, par exemple – ou même des étudiants. Malgré le surplus d’organisati­on que cela suppose, le résultat est plutôt convaincan­t et enthousias­mant. Le monde de l’innovation aurait peut-être simplement besoin de davantage de marieuses?

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