Les «paradoxes» du Conseil fédéral
VOTES Hier, le gouvernement a refusé l’initiative pour un congé paternité et accepté de soutenir les Jeux olympiques d’hiver à Sion. Deux informations qui n’ont pas manqué d’être mises en parallèle sur la Toile comme dans la presse
Le calendrier est espiègle. Mercredi, deux informations diffusées à quelques heures d’intervalle ont créé des étincelles. Les Suisses, quelque peu désabusés, apprenaient d’un côté le refus, par le Conseil fédéral, de l’initiative sur le congé paternité; et de l’autre, ils ont entendu l’enthousiasme enflammé des mêmes sept sages à propos des Jeux olympiques à Sion en 2026.
Sur les réseaux, on s’interroge. «Donc si j’ai bien compris, notre parlement a refusé l’initiative pour le congé paternité, sous prétexte de coûts démesurés, et dans le même temps octroyé un crédit de près d’un milliard pour des JO. Est-ce que quelqu’un peut expliquer à ces dinosaures cravatés ce que signifie le mot «démesure»?», publie un internaute sur Facebook.
«Tout pour les JO d’hiver, rien pour le congé paternité: SCANDALEUX», s’insurge @bertrandbuchs sur Twitter. Une incompréhension qui secoue aussi outre-Sarine où @ sybilleforrer constate: «Pas d’argent pour 20 jours. Mais un milliard pour des Jeux olympiques d’hiver.» Et de rappeler les stratégies impériales des empereurs de la Rome antique pour s’attirer la bienveillance populaire: Panem et circenses, du pain et des jeux.
A calendrier taquin, amalgame tentant. Le Parti socialiste (cité dans l’article du Temps) comme la presse se laisse charmer. Dans son éditorial, Le Courrier de Genève s’y aventure: «Il s’agit donc bien d’une question de priorité politique. Le même j our, l e gouvernement annonçait qu’il serait prêt à appuyer les Jeux olympiques de Sion 2026 à hauteur de 995 millions de francs…» Alors que Le Matin publie une caricature du dessinateur Ben représentant Guy Parmelin, un sac rem- plit de liasses de billets à la main signifiant à un jeune père: «Papa, c’est même pas une discipline olympique!»
Pourtant, les deux décisions ne sont pas comparables. Dans un commentaire, un internaute précise: «On ne parle ni du même montant, ni du même mode de financement. Les JO, c’est une garantie de déficit ponctuelle de 1 milliard, financé par des fonds publics, et l’initiative pour le congé paternité c’est 0,5 milliard par an pour les entreprises. On n’est pas dans la même catégorie!»
C’est un «télescopage» qui vaut tout de même la peine d’être relevé, semble dire @guiwitz. Car outre la comparaison fortuite, le mécontentement est notable. Le congé paternité, que la conseillère nationale Rebecca Ruiz (PS/ VD) décrivait dans Le Temps comme un «serpent de mer de la politique fédérale», peine à trouver des faveurs sous la Coupole. Pas moins de 30 interventions ont été lancées en treize ans à ce sujet. Et toutes ont été balayées d’un revers de main, faisant de la Suisse le dernier pays d’Europe à ne pas avoir de congé paternité.
«La classe politique fédérale semble déterminée à ne rien changer, à défendre un modèle de société d’un autre temps», observe l’éditorialiste du Courrier. Les Verts, quant à eux, réclament: «Le Conseil fédéral doit se dépoussiérer!»
Trop cher aux yeux des conseillers fédéraux, nécessaires à ceux de la population, les vingt jours pendant lesquels pères et enfants pourraient faire connaissance divisent encore. Les internautes prêtent aux sept sages une «vision rétrograde», «un truc d’élites machistes», témoin d’un «ancien monde qui toise le nouveau». @MooseFunky résume: «Un jour de congé paternité, c’était bon pour une époque où le papa fumait le cigare en salle d’attente.»
Vieux jeu, le Conseil fédéral? Trop à droite? C’est l’avis de certains internautes. Il «ne fait que représenter le peuple, qui a voté… très à droite. Trop. Et maintenant on le paie cash», relève cette commentatrice. Et d’autres se désolent: «Ils ne proposent même pas de contre-projet. C’est dire s’ils n’en ont rien à faire…»