Le Temps

Les «paradoxes» du Conseil fédéral

- CAROLINE CHRISTINAZ t @Caroline_tinaz

VOTES Hier, le gouverneme­nt a refusé l’initiative pour un congé paternité et accepté de soutenir les Jeux olympiques d’hiver à Sion. Deux informatio­ns qui n’ont pas manqué d’être mises en parallèle sur la Toile comme dans la presse

Le calendrier est espiègle. Mercredi, deux informatio­ns diffusées à quelques heures d’intervalle ont créé des étincelles. Les Suisses, quelque peu désabusés, apprenaien­t d’un côté le refus, par le Conseil fédéral, de l’initiative sur le congé paternité; et de l’autre, ils ont entendu l’enthousias­me enflammé des mêmes sept sages à propos des Jeux olympiques à Sion en 2026.

Sur les réseaux, on s’interroge. «Donc si j’ai bien compris, notre parlement a refusé l’initiative pour le congé paternité, sous prétexte de coûts démesurés, et dans le même temps octroyé un crédit de près d’un milliard pour des JO. Est-ce que quelqu’un peut expliquer à ces dinosaures cravatés ce que signifie le mot «démesure»?», publie un internaute sur Facebook.

«Tout pour les JO d’hiver, rien pour le congé paternité: SCANDALEUX», s’insurge @bertrandbu­chs sur Twitter. Une incompréhe­nsion qui secoue aussi outre-Sarine où @ sybillefor­rer constate: «Pas d’argent pour 20 jours. Mais un milliard pour des Jeux olympiques d’hiver.» Et de rappeler les stratégies impériales des empereurs de la Rome antique pour s’attirer la bienveilla­nce populaire: Panem et circenses, du pain et des jeux.

A calendrier taquin, amalgame tentant. Le Parti socialiste (cité dans l’article du Temps) comme la presse se laisse charmer. Dans son éditorial, Le Courrier de Genève s’y aventure: «Il s’agit donc bien d’une question de priorité politique. Le même j our, l e gouverneme­nt annonçait qu’il serait prêt à appuyer les Jeux olympiques de Sion 2026 à hauteur de 995 millions de francs…» Alors que Le Matin publie une caricature du dessinateu­r Ben représenta­nt Guy Parmelin, un sac rem- plit de liasses de billets à la main signifiant à un jeune père: «Papa, c’est même pas une discipline olympique!»

Pourtant, les deux décisions ne sont pas comparable­s. Dans un commentair­e, un internaute précise: «On ne parle ni du même montant, ni du même mode de financemen­t. Les JO, c’est une garantie de déficit ponctuelle de 1 milliard, financé par des fonds publics, et l’initiative pour le congé paternité c’est 0,5 milliard par an pour les entreprise­s. On n’est pas dans la même catégorie!»

C’est un «télescopag­e» qui vaut tout de même la peine d’être relevé, semble dire @guiwitz. Car outre la comparaiso­n fortuite, le mécontente­ment est notable. Le congé paternité, que la conseillèr­e nationale Rebecca Ruiz (PS/ VD) décrivait dans Le Temps comme un «serpent de mer de la politique fédérale», peine à trouver des faveurs sous la Coupole. Pas moins de 30 interventi­ons ont été lancées en treize ans à ce sujet. Et toutes ont été balayées d’un revers de main, faisant de la Suisse le dernier pays d’Europe à ne pas avoir de congé paternité.

«La classe politique fédérale semble déterminée à ne rien changer, à défendre un modèle de société d’un autre temps», observe l’éditoriali­ste du Courrier. Les Verts, quant à eux, réclament: «Le Conseil fédéral doit se dépoussiér­er!»

Trop cher aux yeux des conseiller­s fédéraux, nécessaire­s à ceux de la population, les vingt jours pendant lesquels pères et enfants pourraient faire connaissan­ce divisent encore. Les internaute­s prêtent aux sept sages une «vision rétrograde», «un truc d’élites machistes», témoin d’un «ancien monde qui toise le nouveau». @MooseFunky résume: «Un jour de congé paternité, c’était bon pour une époque où le papa fumait le cigare en salle d’attente.»

Vieux jeu, le Conseil fédéral? Trop à droite? C’est l’avis de certains internaute­s. Il «ne fait que représente­r le peuple, qui a voté… très à droite. Trop. Et maintenant on le paie cash», relève cette commentatr­ice. Et d’autres se désolent: «Ils ne proposent même pas de contre-projet. C’est dire s’ils n’en ont rien à faire…»

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(MAXIME SCHMID/KEYSTONE)

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