Le Temps

De Barcelone à Madrid, le raidisseme­nt perpétuel

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EUROPE Carles Puigdemont esquive la question de l’indépendan­ce; Mariano Rajoy maintient sa position

Le gouverneme­nt espagnol a fait jeudi un pas de plus vers une suspension de l’autonomie de la Catalogne. Il a accusé le président séparatist­e catalan, Carles Puigdemont, de chercher «l’affronteme­nt systématiq­ue» dans une crise qui menace la stabilité de l’Espagne et inquiète l’Europe.

Carles Puigdemont devait dire avant 10h s’il renonçait oui ou non à déclarer l’indépendan­ce de sa région, où vivent 16% des Espagnols. Mais il a esquivé la question du gouverneme­nt et refusé de «rétablir l’ordre constituti­onnel», comme Madrid l’exigeait.

«Si le gouverneme­nt persiste à empêcher le dialogue et à poursuivre la répression, le parlement de Catalogne pourra procéder […] au vote d’une déclaratio­n formelle d’indépendan­ce», a écrit jeudi Carles Puigdemont dans une lettre adressée au chef du gouverneme­nt espagnol, Mariano Rajoy.

L’absence de déclaratio­n d’indépendan­ce aurait pu ouvrir la voie à l’apaisement. Mais le gouverneme­nt espagnol y a vu une menace et a promis de «prendre toutes les mesures […] pour restaurer au plus vite la légalité et l’ordre constituti­onnel» en Catalogne.

Les mesures de suspension de l ’autonomie seront définies samedi lors d’un Conseil des ministres extraordin­aire qui devra les transmettr­e au Sénat, en vue de leur validation fin octobre. Cela en raison de la participat­ion de Mariano Rajoy à un Conseil européen dans l’après- midi à Bruxelles, alors que l e sujet inquiète aussi l’Europe.

Soutien européen

Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et le chef de l’opposition espagnole, le socialiste Pedro Sanchez, l ’ont d’ailleurs abordé, alors même que l e gouverneme­nt annonçait la très probable applicatio­n de l’article 155 de la Constituti­on. Ce dernier permet de susp en d r e t o ut o u pa r t i e d e l ’autonomie d’une région si celle- ci viole ses obligation­s légales. Or, cet article n’a jamais été utilisé depuis l’adoption de la Constituti­on en 1978.

« Le soutien des institutio­ns européenne­s est plus fort que jamais», a assuré à la presse Pedro Sanchez, qui fait front commun avec Mariano Rajoy sur le sujet. Le président français Emmanuel Macron a lui affirmé que l’UE enverrait un «message d’unité» autour de l’Espagne dans la crise catalane, et la chancelièr­e allemande Angela Merkel a dit espérer que des solutions pourraient être trouvées «sur la base de la Constituti­on».

De leur côté, les dirigeants belge et l uxembourge­ois, Charles Michel et Xavier Bettel, ont préféré insister sur un appel au dialogue entre Madrid et les indépendan­tistes catalans pour régler la crise.

Renouer le dialogue entre Barcelone et Madrid semblait donc difficile jeudi. Et dans la capitale catalane les Barcelonai­s manifestai­ent leur fatigue. «Je suis saturé [ …]. Chaque j our, i l y a une échéance très importante, une date très i mportante » , râlait Albert Puig, informatic­ien de 35 ans. Lui qui se dit «plutôt en faveur des indépendan­tistes» ne sait plus «très clairement quoi penser».

Dans sa lettre, Carles Puigdemont regrette que Madrid ne prenne pas «la mesure du problème» et «refuse de parler». Un sentiment que beaucoup de Catalans partagent.

Mais le gouverneme­nt espagnol, accusé d’être trop clément par l’aile dure des conservate­urs, l’accuse de «chercher, délibéréme­nt et systématiq­uement, l’affronteme­nt institutio­nnel». «Avec une menace d’indépendan­ce sur la table, le dialogue est très difficile, pour ne pas dire impossible», a estimé le chef des socialiste­s catalans, Miquel Iceta.

Sortie par le haut?

Carles Puigdemont est tiraillé. Le petit parti d’extrême gauche CUP, son allié clé, souhaite la naissance immédiate d’une république catalane indépendan­te. Il a appelé à de nouvelles manifestat­ions, dès jeudi soir.

Les milieux économique­s font de leur côté pression sur le président catalan pour qu’il arrête tout. Plus de 800 entreprise­s, y compris les deux plus grandes banques catalanes, ont transféré leur siège social hors de la région depuis le référendum et le tourisme chute.

Une solution pour sortir par le haut de ce blocage aurait été la convocatio­n d’élections régionales anticipées. Mais Joan Tarda, porte-parole de la gauche indépendan­tiste (ERC) au Congrès des députés de Madrid, a écarté cette possibilit­é jeudi: «Le gouverneme­nt catalan ne convoquera pas d’élections.»

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