Un référendum lombard en trompe-l’oeil
EUROPE Dimanche, la région de Milan et la Vénétie, dirigées par la Ligue du Nord, diront si elles veulent davantage d’autonomie
En Lombardie, la promesse est alléchante. 27 milliards d’euros supplémentaires dans les caisses de la région en cas de vote favorable au référendum promu par la Ligue du Nord. Le parti autonomiste veut l’appui des citoyens dans sa volonté d’émancipation d’avec Rome. Plus d’autonomie signifie, selon le président lombard, Roberto Maroni, plus de ressources financières pour «résoudre tous les problèmes» de sa région.
Or les Lombards, comme les Vénitiens, ne se prononceront pas sur leur autonomie directement, mais devront en réalité donner ou non leur accord au lancement de tractations entre la région et l’Etat allant dans ce sens. La Constitution italienne permet cette démarche, mais n’impose pas le passage réfé- rendaire. La Ligue du Nord cherche une légitimité populaire pour se présenter renforcée à la table des négociations, après plusieurs échecs ces dernières décennies.
L’exemple catalan
Le référendum sur l’indépendance de la Catalogne, le 1er octobre, a augmenté l’attention sur ces consultations. «Nous avons choisi une autre voie, précise Roberto Maroni; celle du dialogue. Si le oui l’emporte, il n’y aura pas de déclaration d’indépendance, mais nous négocierons avec le gouvernement pour avoir plus de compétences et plus de ressources.» Le vieux rêve indépendantiste de la Ligue du Nord pour la Padanie est mort, avoue l’ancien ministre de l’Intérieur Silvio Berlusconi.
La question posée aux électeurs lombards ne précise cependant pas pour quels domaines la région compte demander plus d’autonomie en cas de victoire. De la santé à l’éducation, en passant par la protection de l’environnement et des biens culturels, les compétences pouvant passer des mains de l’Etat à celles d’une région sont nombreuses. La Lombardie laisse seulement entendre qu’elle souhaite gérer directement des politiques chères à la Ligue du Nord, comme «la sécurité, l’immigration et l’ordre public».
A Milan, du Parti démocrate (PD, centre gauche) au Mouvement 5 étoiles, tous sont en faveur d’une plus grande autonomie de la région. «Nous croyons dans la capacité de récompenser des institutions qui démontrent qu’elles gèrent bien leurs ressources, en leur accordant plus de responsabilités», détaille Filippo Barberis, conseiller communal du PD. L’élu assure que cette position s’ancre dans l’histoire du centre gauche. Partagée par le maire milanais Giuseppe Sala, elle met pourtant dans l’embarras le PD de Matteo Renzi. Le secrétaire du parti au pouvoir et ancien président du Conseil des ministres avait proposé en novembre dernier une réforme de la Constitution, finalement rejetée par référendum, centralisant plus de compétences à Rome.
Si tous les principaux partis voteront dimanche en faveur du texte de la Ligue du Nord, ils dénoncent la voie choisie pour obtenir plus d’autonomie. «Il s’agit d’une opération de propagande du gouvernement régional, s’emporte Filippo Barberis. Il n’a rien obtenu en cinq a ns [ de mandat] e t ut il i s e aujourd’hui le référendum comme instrument de campagne électorale» en vue des élections régionales du printemps prochain.
Du haut de son bureau, il peut observer habitants et touristes tra- versant l’impressionnante galerie commerçante près du Duomo. Il est élu à Milan, capitale de la Lombardie qui, avec ses 10 millions d’habitants, produit près d’un quart du PIB italien. La région est considérée comme l’un des moteurs de l’Europe, avec notamment la Catalogne ou la région Rhône-Alpes.
L’avis du Cavaliere
La Ligue du Nord s’appuie sur cette bonne gestion financière, sur cette «virtuosité et spécificité» lombarde, pour réclamer le maintien dans la région d’une partie des taxes versées au gouvernement central. Or la fiscalité est exclue des négociations sur l’autonomie prévues par la Constitution et devra faire l’objet de discussions annexes. Les milliards d’euros promis par le parti ne pleuvront pas sur la région en cas de victoire du oui.
Le rêve indépendantiste de la for- mation autonomiste est mort, non son discours régionaliste. «L’histoire de Rome montre qu’elle n’arrive pas à créer les conditions permettant aux régions vertueuses comme la Lombardie d’avoir un avantage, se désole Roberto Maroni. Elle n’arrive pas à faire ce que n’importe quel gouvernement devrait faire: valoriser les bonnes pratiques et les étendre aux autres régions.»
Son discours s’assume pleinement él ectoraliste l orsqu’il demande à son ancien premier ministre, Silvio Berlusconi, que l’autonomie devienne un «thème central du programme de gouvernement du centre droit» pour les élections législatives de l’an prochain. Lors d’une conférence de presse dans un théâtre historique du coeur de Milan, le Cavaliere a répondu être prêt à proposer plus d’autonomie pour toutes l es régions italiennes.