Le Temps

Un référendum lombard en trompe-l’oeil

EUROPE Dimanche, la région de Milan et la Vénétie, dirigées par la Ligue du Nord, diront si elles veulent davantage d’autonomie

- ANTONINO GALOFARO, MILAN @ToniGalofa­ro

En Lombardie, la promesse est alléchante. 27 milliards d’euros supplément­aires dans les caisses de la région en cas de vote favorable au référendum promu par la Ligue du Nord. Le parti autonomist­e veut l’appui des citoyens dans sa volonté d’émancipati­on d’avec Rome. Plus d’autonomie signifie, selon le président lombard, Roberto Maroni, plus de ressources financière­s pour «résoudre tous les problèmes» de sa région.

Or les Lombards, comme les Vénitiens, ne se prononcero­nt pas sur leur autonomie directemen­t, mais devront en réalité donner ou non leur accord au lancement de tractation­s entre la région et l’Etat allant dans ce sens. La Constituti­on italienne permet cette démarche, mais n’impose pas le passage réfé- rendaire. La Ligue du Nord cherche une légitimité populaire pour se présenter renforcée à la table des négociatio­ns, après plusieurs échecs ces dernières décennies.

L’exemple catalan

Le référendum sur l’indépendan­ce de la Catalogne, le 1er octobre, a augmenté l’attention sur ces consultati­ons. «Nous avons choisi une autre voie, précise Roberto Maroni; celle du dialogue. Si le oui l’emporte, il n’y aura pas de déclaratio­n d’indépendan­ce, mais nous négocieron­s avec le gouverneme­nt pour avoir plus de compétence­s et plus de ressources.» Le vieux rêve indépendan­tiste de la Ligue du Nord pour la Padanie est mort, avoue l’ancien ministre de l’Intérieur Silvio Berlusconi.

La question posée aux électeurs lombards ne précise cependant pas pour quels domaines la région compte demander plus d’autonomie en cas de victoire. De la santé à l’éducation, en passant par la protection de l’environnem­ent et des biens culturels, les compétence­s pouvant passer des mains de l’Etat à celles d’une région sont nombreuses. La Lombardie laisse seulement entendre qu’elle souhaite gérer directemen­t des politiques chères à la Ligue du Nord, comme «la sécurité, l’immigratio­n et l’ordre public».

A Milan, du Parti démocrate (PD, centre gauche) au Mouvement 5 étoiles, tous sont en faveur d’une plus grande autonomie de la région. «Nous croyons dans la capacité de récompense­r des institutio­ns qui démontrent qu’elles gèrent bien leurs ressources, en leur accordant plus de responsabi­lités», détaille Filippo Barberis, conseiller communal du PD. L’élu assure que cette position s’ancre dans l’histoire du centre gauche. Partagée par le maire milanais Giuseppe Sala, elle met pourtant dans l’embarras le PD de Matteo Renzi. Le secrétaire du parti au pouvoir et ancien président du Conseil des ministres avait proposé en novembre dernier une réforme de la Constituti­on, finalement rejetée par référendum, centralisa­nt plus de compétence­s à Rome.

Si tous les principaux partis voteront dimanche en faveur du texte de la Ligue du Nord, ils dénoncent la voie choisie pour obtenir plus d’autonomie. «Il s’agit d’une opération de propagande du gouverneme­nt régional, s’emporte Filippo Barberis. Il n’a rien obtenu en cinq a ns [ de mandat] e t ut il i s e aujourd’hui le référendum comme instrument de campagne électorale» en vue des élections régionales du printemps prochain.

Du haut de son bureau, il peut observer habitants et touristes tra- versant l’impression­nante galerie commerçant­e près du Duomo. Il est élu à Milan, capitale de la Lombardie qui, avec ses 10 millions d’habitants, produit près d’un quart du PIB italien. La région est considérée comme l’un des moteurs de l’Europe, avec notamment la Catalogne ou la région Rhône-Alpes.

L’avis du Cavaliere

La Ligue du Nord s’appuie sur cette bonne gestion financière, sur cette «virtuosité et spécificit­é» lombarde, pour réclamer le maintien dans la région d’une partie des taxes versées au gouverneme­nt central. Or la fiscalité est exclue des négociatio­ns sur l’autonomie prévues par la Constituti­on et devra faire l’objet de discussion­s annexes. Les milliards d’euros promis par le parti ne pleuvront pas sur la région en cas de victoire du oui.

Le rêve indépendan­tiste de la for- mation autonomist­e est mort, non son discours régionalis­te. «L’histoire de Rome montre qu’elle n’arrive pas à créer les conditions permettant aux régions vertueuses comme la Lombardie d’avoir un avantage, se désole Roberto Maroni. Elle n’arrive pas à faire ce que n’importe quel gouverneme­nt devrait faire: valoriser les bonnes pratiques et les étendre aux autres régions.»

Son discours s’assume pleinement él ectoralist­e l orsqu’il demande à son ancien premier ministre, Silvio Berlusconi, que l’autonomie devienne un «thème central du programme de gouverneme­nt du centre droit» pour les élections législativ­es de l’an prochain. Lors d’une conférence de presse dans un théâtre historique du coeur de Milan, le Cavaliere a répondu être prêt à proposer plus d’autonomie pour toutes l es régions italiennes.

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