Pauvres cochons!
Les humains savent exalter leurs fonctions naturelles afin de refouler leur trivialité.
Il leur faut manger pour vivre, alors ils ont développé des cuisines raffinées, des vaisselles d'apparat et des chefs étoilés. Il leur faut boire pour ne pas mourir, alors ils ont fermenté le jus des fruits et surtout du raisin, au point que désormais certaines bouteilles coûtent des milliers de francs. Il leur faut se protéger du froid, alors ils ont développé la couture au point d'en faire un art. En somme, ils ont tout compliqué dans le seul but d'ajouter le beau au bon, et d'accroître ainsi leur plaisir. Cela s'appelle la civilisation.
Qu’en est-il de la reproduction, puisque c’est là notre sujet?
Dans la nature, les mâles affichent leur force ou déploient leurs couleurs éclatantes au moment des parades nuptiales alors que, chez les humains, ce sont plutôt les femmes qui se parent pour plaire. Coquines ou pudiques, elles ont longtemps caché les parties de leur corps susceptibles d'éveiller une concupiscence trop directe. Jusqu'au XXe siècle, le ventre et les jambes étaient soigneusement dissimulés, l'un parce qu'il descendait vers les zones interdites tandis que les autres y montaient vertigineusement.
Les hommes, eux, avaient d'autres moyens pour assouvir leur libido. Les rustres qui voulaient seulement s'accoupler imposaient leur supériorité musculaire (viol) ou leur pouvoir (droit de cuissage, voire de vie ou de mort), ce qui revient au même. Les autres, le plus grand nombre, usaient de la parole, tendre, drôle ou convaincante. L'invention de l'amour courtois au Moyen Age devrait à lui seul réhabiliter cette époque que l'on prétend arriérée. L'expression «faire la cour» réfère clairement à la conversation plutôt qu'au geste déplacé. Quant à la galanterie, elle permettait de manifester envers les femmes un respect et une déférence qui, en toute logique, devaient perdurer aux moments des ébats.
Tout cela est totalement désuet aujourd’hui, voire proscrit.
L'amour courtois ne signifie plus rien et la galanterie est jugée sexiste. Dans le même temps que le féminisme privait les hommes de leurs outils civilisés, et comme pour compenser la léthargie qui s'ensuivait, nos jeunes femmes ont successivement mis à nu leurs jambes, puis leurs cuisses, puis leur ventre… Désormais, les fesses sont également de sortie, avec les strings et les shorts ultracourts qui font fureur actuellement, été comme hiver. Faute de pouvoir aller plus loin, c'est un retour en arrière qui nous guette, en espérant éviter la burqa!chroniqie_print
Dans ce contexte, les hommes se sont trouvés bien empruntés pour parvenir à leurs fins/ faims. De peur d'être taxés de macho au moindre clin d'oeil, de goujat au moindre compliment, de harceleur au moindre geste, la parole leur a été ôtée et les voilà paralysés. La pauvreté du vocabulaire actuel viendrait-elle de cela que le pouvoir du verbe, autrefois indispensable pour valoriser le mâle et montrer sa supériorité entre tous, n'a plus d'utilité fondamentale pour la survie de l'espèce? L'hypothèse est osée, mais est-elle fausse pour autant? Alors les jeunes parlent de «plan cul» et ils baisent!
Et Harvey Weinstein dans tout cela, me direzvous?
Il fait partie de ces rustres qui ont toujours existé, comme DSK ou Bill Clinton, ou Chirac dont les frasques n'avaient rien de très consenti. Forts de leur pouvoir, ils passent directement à l'acte sans perdre de temps en efforts de conviction. Pourquoi la plupart de ces hommes s'en sortent trop longtemps, ce fut abondamment expliqué dans les médias, et le silence des femmes victimes y participe, de même que celui de l'entourage social. En revanche, le hashtag # Balancetonporc est une initiative discriminante, pratiquant un amalgame honteux entre la majorité des hommes, aimants et sincères, et quelques dévoyés. En outre, la comparaison avec le porc est erronée puisque, élevage oblige, les truies sont désormais toutes fécondées par insémination artificielle. Voilà ce qui nous pend au nez, Mesdames, si nous ne savons pas raison garder en cessant nos exagérations!