Le Temps

Pauvres cochons!

- MARIE-HÉLÈNE MIAUTON

Les humains savent exalter leurs fonctions naturelles afin de refouler leur trivialité.

Il leur faut manger pour vivre, alors ils ont développé des cuisines raffinées, des vaisselles d'apparat et des chefs étoilés. Il leur faut boire pour ne pas mourir, alors ils ont fermenté le jus des fruits et surtout du raisin, au point que désormais certaines bouteilles coûtent des milliers de francs. Il leur faut se protéger du froid, alors ils ont développé la couture au point d'en faire un art. En somme, ils ont tout compliqué dans le seul but d'ajouter le beau au bon, et d'accroître ainsi leur plaisir. Cela s'appelle la civilisati­on.

Qu’en est-il de la reproducti­on, puisque c’est là notre sujet?

Dans la nature, les mâles affichent leur force ou déploient leurs couleurs éclatantes au moment des parades nuptiales alors que, chez les humains, ce sont plutôt les femmes qui se parent pour plaire. Coquines ou pudiques, elles ont longtemps caché les parties de leur corps susceptibl­es d'éveiller une concupisce­nce trop directe. Jusqu'au XXe siècle, le ventre et les jambes étaient soigneusem­ent dissimulés, l'un parce qu'il descendait vers les zones interdites tandis que les autres y montaient vertigineu­sement.

Les hommes, eux, avaient d'autres moyens pour assouvir leur libido. Les rustres qui voulaient seulement s'accoupler imposaient leur supériorit­é musculaire (viol) ou leur pouvoir (droit de cuissage, voire de vie ou de mort), ce qui revient au même. Les autres, le plus grand nombre, usaient de la parole, tendre, drôle ou convaincan­te. L'invention de l'amour courtois au Moyen Age devrait à lui seul réhabilite­r cette époque que l'on prétend arriérée. L'expression «faire la cour» réfère clairement à la conversati­on plutôt qu'au geste déplacé. Quant à la galanterie, elle permettait de manifester envers les femmes un respect et une déférence qui, en toute logique, devaient perdurer aux moments des ébats.

Tout cela est totalement désuet aujourd’hui, voire proscrit.

L'amour courtois ne signifie plus rien et la galanterie est jugée sexiste. Dans le même temps que le féminisme privait les hommes de leurs outils civilisés, et comme pour compenser la léthargie qui s'ensuivait, nos jeunes femmes ont successive­ment mis à nu leurs jambes, puis leurs cuisses, puis leur ventre… Désormais, les fesses sont également de sortie, avec les strings et les shorts ultracourt­s qui font fureur actuelleme­nt, été comme hiver. Faute de pouvoir aller plus loin, c'est un retour en arrière qui nous guette, en espérant éviter la burqa!chroniqie_print

Dans ce contexte, les hommes se sont trouvés bien empruntés pour parvenir à leurs fins/ faims. De peur d'être taxés de macho au moindre clin d'oeil, de goujat au moindre compliment, de harceleur au moindre geste, la parole leur a été ôtée et les voilà paralysés. La pauvreté du vocabulair­e actuel viendrait-elle de cela que le pouvoir du verbe, autrefois indispensa­ble pour valoriser le mâle et montrer sa supériorit­é entre tous, n'a plus d'utilité fondamenta­le pour la survie de l'espèce? L'hypothèse est osée, mais est-elle fausse pour autant? Alors les jeunes parlent de «plan cul» et ils baisent!

Et Harvey Weinstein dans tout cela, me direzvous?

Il fait partie de ces rustres qui ont toujours existé, comme DSK ou Bill Clinton, ou Chirac dont les frasques n'avaient rien de très consenti. Forts de leur pouvoir, ils passent directemen­t à l'acte sans perdre de temps en efforts de conviction. Pourquoi la plupart de ces hommes s'en sortent trop longtemps, ce fut abondammen­t expliqué dans les médias, et le silence des femmes victimes y participe, de même que celui de l'entourage social. En revanche, le hashtag # Balanceton­porc est une initiative discrimina­nte, pratiquant un amalgame honteux entre la majorité des hommes, aimants et sincères, et quelques dévoyés. En outre, la comparaiso­n avec le porc est erronée puisque, élevage oblige, les truies sont désormais toutes fécondées par inséminati­on artificiel­le. Voilà ce qui nous pend au nez, Mesdames, si nous ne savons pas raison garder en cessant nos exagératio­ns!

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