Musiques d’ascenseur pour l’échafaud
CONCERT Le Britannique Sam Kidel détourne en tragicomédie le concept de muzak. A voir samedi au LUFF
La «muzak», kezako? C’est à peu près tout ce qui vous traverse les oreilles sans que vous ne vous en rendiez vraiment compte lorsque vous faites vos courses dans un centre commercial ou que vous êtes mis en attente, téléphone collé à l’oreille, par un ou une réceptionniste. C’est souvent Vivaldi qui s’y colle. Mais la muzak regorge également de séquences expressément composées, mélange de ce que l’on peut trouver de plus saccharineux sous les marteaux d’un piano de lounge hôtelier et de plus ataraxique dans les cuivres du James Last Orchestra.
Panique au combiné
Sam Kidel, jeune musicien de Bristol, s’est emparé de cette musique qui vous immobilise pour en faire un album conceptuel à la fois tragique et désopilant, et dont le titre résume bien l’idée: Disruptive Muzak (The Death of Rave, 2016). Le programme joue sur deux temps: Kidel compose t out d’abord quelques séquences d’une muzak altérée, beaucoup moins sirupeuse et beaucoup plus mélancolique que l’originale – ce qui donne au final un ambient fracturé d’excellente facture. Deuxième phase: Kidel appelle les téléphonistes de différentes administrations britanniques pour leur jouer un tour pendable: lorsque ceux-ci décrochent (enfin), Kidel, au lieu de leur parler, leur passe sa muzak et enregistre leurs réactions, interloquées et vaguement paniquées.
L’assemblage de tout cela donne Disruptive Muzak, un travail qui va bien au-delà du canular pour porter un discours détonnant sur ces habitus sociaux qui nous maintiennent captifs.