L’Europe veut fabriquer ses propres batteries
ABB rejoint le projet de créer la plus grande usine de batteries en Europe. L’explosion de la demande de voitures électriques relance la course au lithium, composant essentiel dans le système de stockage d’énergie
Pour ABB, c’est un retour aux sources. Le géant électrique helvético-suédois participera à la construction de la plus grande usine européenne de batteries pour téléphones, voitures, voire pour avions, à Skelleftea, en Suède. Cette ville côtière industrielle au nord-ouest du pays se trouve à proximité de gisements de lithium, principal composant des batteries.
L’initiative revient à la start-up Northvolt basée à Stockholm et dont l’ambition est de rivaliser avec la «gigafactory» de Tesla aux Etats-Unis. Le projet européen nécessitera des investissements de 4 milliards d’euros (4,7 milliards de francs) sur six ans. La construction du site débutera l’an prochain. ABB y apportera son expertise en matière d’automatisation des machines et d’électrification.
L’Union européenne investira jusqu’à 2 milliards d’euros
Ce projet tombe à pic. L’Europe est l’un des plus grands constructeurs automobiles et le continent ne manque pas d’ambition en matière de voitures électriques. Le groupe Volkswagen, par exemple, affirme qu’un quart de ses ventes mondiales en 2025 concernera cette catégorie de véhicules à énergie renouvelable. Or, à présent, la totalité des batteries utilisées et indispensables pour le stockage d’énergie sur le continent provient d’Asie.
Un fait inacceptable pour Maros Sefcovic, vice-président de la Commission européenne et chargé de l’Energie, qui s’est récemment rendu compte que l’Europe ne produisait pas de batteries. Il a alors convoqué, le 11 octobre dernier, une réunion stratégique autour d’un projet de batterie européenne. Bruxelles y investirait jusqu’à 2 milliards d’euros en guise de soutien.
Course au lithium relancée
Cette initiative relance la guerre des batteries. Il s’agit surtout d’une course à la matière première, le lithium, dont les plus grandes réserves mondiales se trouvent en Amérique du Sud, notamment en Argentine, en Bolivie, au Chili, mais aussi en Chine. A présent, Sinochem, entreprise d’Etat chinoise et géant de la chimie, est bien positionnée pour acquérir SQM, l’un des plus grands producteurs mondiaux, basé au Chili. Le prix du rachat serait de l’ordre de 4 milliards de dollars (l’équivalent en francs). Trois autres prétendants, tous chinois, sont en lice: GRS Capital, un fonds d’investissement, Ningbo Shanshan, un fabricant de batteries, et Tianqui Lithium, le plus grand producteur chinois de lithium.
Les entreprises chinoises prennent au sérieux l’ambition affichée de Pékin d’assurer que les voitures électriques deviennent la norme ces prochaines années. L’an dernier, leurs ventes avaient bondi de 80% par rapport à 2016. Pour 2017, 700 000 nouveaux véhicules propres seront mis en circulation. La Chine est en effet déjà le premier marché au monde pour les voitures électriques.
Les autorités chinoises entendent poursuivre dans cette direction, notamment pour contrer la pollution dans les grandes villes. Désormais, tout nouveau fabricant de voitures doit assumer un quota de véhicules électriques pour obtenir un permis de construction de la part de Pékin.
Acteurs chinois omniprésents
Selon le Financial Times de lundi, les acteurs chinois ne laissent passer aucune occasion qui leur permettrait d’accéder au lithium. En août dernier, le fonds d’investissement GSR a acheté la division électrique du japonais Nissan. Le mois dernier, c’est le constructeur Great Wall Motor qui a signé un accord avec l’australien Pilbara Mineral pour l’approvisionnement en lithium pour les cinq prochaines années.
L’an dernier, China Molybdenum s’est payé les mines de Tenke en République démocratique du Congo pour 2,65 milliards de dollars. Sur le marché mondial, le prix du lithium a triplé en cinq ans, se situant désormais aux alentours de 10 000 dollars la tonne.
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