Tom Hanks, son recueil de nouvelles et sa passion pour les machines à écrire
Dans ce recueil, toutes les nouvelles ont une chose en commun: une machine à écrire, qui y occupe une grande ou une petite place
L’acteur de Hollywood s’essaie à la littérature. Il publie son premier recueil de nouvelles, «Uncommon Type», dans lequel ne manque pas de transparaître sa passion pour les vieilles Remington
«C’est la queue pour aller voir Harvey Weinstein?» Ton sarcastique, pas pressé et regard moqueur, c’est tout ce qu’a trouvé à dire un jeune Wall Street boy qui s’interrogeait, comme beaucoup de passants, sur les raisons de la file d’attente qui s’étire autour du bloc, entre la 5e et Madison Avenue à Manhattan. Non, ce n’était pas pour voir Harvey Weinstein, cher Wall Street boy. Mais un acteur qui, dans le New York Times, n’a pas mâché ses mots à l’encontre du producteur de Hollywood au comportement sexuel plus que déviant: Tom Hanks.
Ce jour-là, le Californien devait dédicacer son premier recueil de nouvelles, Uncommon Type, à la librairie Barnes and Noble. Et le moins que l’on puisse dire est qu’il était très attendu: certains fans avaient passé la nuit devant le magasin, leurs chaises de pique-nique installées sur le trottoir. D’autres ont patienté près de quatre heures pour pouvoir lui glisser quelques mots, obtenir un livre dédicacé et une photo souvenir.
Tom Hanks, alias «Mr. Nice», s’essaie à la littérature depuis quelque temps déjà. En 2006, il avait soumis une nouvelle à une éditrice, à propos de Danny Striepeke, son maquilleur, qui a grimé, magnifié ou enlaidi les plus grands de Hollywood pendant cinquante ans, et l’a métamorphosé, lui, en agent du FBI, astronaute, professeur d’université, Père Noël, ou encore en touriste slave coincé dans l’aéroport JFK de New York dans Le Terminal. Il lui a fait lire sa nouvelle juste pour savoir si cela tenait la route. Réponse de l’éditrice: «Envoie-la au New York Times.» Après plusieurs modifications, la nouvelle a été publiée. Depuis, Tom Hanks n’a jamais cessé d’écrire, jusqu’à ce qu’il puisse enfin sortir un livre.
Discrètement installé à l’étage supérieur de la librairie, près du rayon bandes dessinées, caché derrière des rideaux, et surveillé par des gardes du corps peu souriants, Tom Hanks joue le jeu de la promotion à merveille. Il fait le guignol, des grimaces, risque souvent des petits commentaires – «Ah, s’habiller en noir comme vous le faites, c’est parfait. C’est basique, classique, vous ne risquez jamais de faute de goût.» Mais derrière cette apparence joviale semble se cacher une personnalité plus taciturne, complexe, qui selon certains de ses partenaires de films, aurait même tendance à être un peu colérique.
La littérature, un refuge
Ses nouvelles, qu’elles soient inspirées de faits réels ou non, semblent parfois empreintes d’une certaine mélancolie, d’un vague à l’âme qui lui vient peut-être de son enfance. Après le divorce de ses parents, Tom Hanks a vécu dès l’âge de 5 ans avec son père, cuisinier, un frère et une soeur. Le quatrième de la fratrie, le plus jeune, est resté avec leur mère. Son enfance, il l’a passée transbahuté d’une maison à une autre, en raison des nombreux déménagements liés au travail de son père, ainsi qu’à ses remariages. Le petit Tom peine à construire des liens solides. Il est timide, réservé et choisit le théâtre comme porte de sortie.
La nostalgie l’accompagne jusque dans sa passion pour les vieilles machines à écrire, qu’il collectionne par centaines. Il affiche même des posters de machines à écrire sur ses murs. Ses dix-sept petites nouvelles, fort agréables à lire, évoquent des histoires aussi différentes que celle des cicatrices émotionnelles d’un vétéran de la Seconde Guerre mondiale, la nouvelle vie d’une femme divorcée, deux meilleurs amis qui vivent une petite parenthèse comme amants ou l’aventure de quatre copains qui font un aller-retour vers la lune, avec une fusée construite dans leur arrièrecour. Mais toutes ont une chose en commun: une machine à écrire, qui y occupe une grande ou une petite place.
Même la couverture du livre traduit cette obsession: elle figure des touches de ce que l’on imagine être une vieille Remington. Marié depuis trente ans, l’acteur qui a dû faire face à la maladie de sa femme – un cancer du sein – et à la toxicomanie de son fils, a su trouver un refuge dans cette curieuse passion qu’est l’écriture.
En matière de machines, Tom Hanks, qui cumule les casquettes d’acteur, de réalisateur et de producteur, donne aussi dans les machines à café. Après l’élection de Donald Trump, il en a offert une aux journalistes accrédités à la Maison-Blanche. Une manière de dire, avec humour, qu’ils en auront bien besoin pour résister au proclamateur en chef des «fake news». Il l’avait déjà fait en 2004, pour le mandat de George W. Bush. En 2010, sous la présidence Obama, il l’a remplacée: elle était défectueuse. Tom Hanks n’a jamais caché ses convictions démocrates. Il a toujours activement soutenu Barack Obama, au point de devenir un de ses proches. En février dernier, il a passé des vacances avec l’excouple présidentiel, sur un yacht de luxe, dans les eaux de la Polynésie française.Dans la sombre salle de presse de la Maison-Blanche trône également un autre cadeau du multimillionnaire (sa fortune était évaluée à 390 millions en 2014): une gravure représentant deux soldats américains et les mots suivants: «Aux journalistes de la Maison-Blanche. Poursuivez le juste combat pour la vérité, la justice et la tradition américaine. Surtout la vérité». Tapé à la machine, forcément. ▅