Le Temps

Notre test du diagnostic d’allergie «le plus rapide au monde»

La PME d’Epalinges annonce l’homologati­on de son test d’allergie «le plus rapide au monde» aux Etats-Unis. Un marché incontourn­able qui lui permettrai­t de prouver son modèle d’affaires

- ADRIÀ BUDRY CARBÓ @ AdriaBudry

A l’heure de la démonstrat­ion, Nicolas Durand s’excuse poliment. Voilà deux mois qu’il n’a pas réalisé luimême son test d’allergie IVD Capsule. Celui développé par la PME vaudoise Abionic, dont il est directeur et cofondateu­r. Le nouveau procédé permettrai­t de réaliser le diagnostic d’allergie – chiens, chats, pollens de bouleau, acariens et graminées – le plus rapide au monde, selon ses développeu­rs. Dont acte. Le Temps a tenté l’expérience, autour d’une conversati­on sans fard ni sparadrap.

Une fois prélevée, la goutte de sang est glissée dans une capsule, une sorte d’éprouvette de laboratoir­e miniaturis­ée qui permet d’accélérer le processus en obtenant un état d’équilibre des molécules au bout de deux minutes contre deux ou trois heures pour les laboratoir­es. Le tout pour 60 à 75 francs en pharmacie, davantage chez les allergolog­ues, où le traitement est couvert par l’assurance maladie.

Insérée dans un disque en métal, la capsule passe dans l’AbioScope, une machine qui lit les gouttes de sang. L’ensemble du système a été homologué en fin de semaine dernière par la sélective FDA, l’agence des produits alimentair­es et médicament­eux aux Etats-Unis.

Pour Abionic l’enjeu est, à ce stade, de démontrer le potentiel de sa technologi­e. «Le medtech a besoin d’une croissance financée par l’externe. On ne peut pas écouler nos machines comme des petits pains et réinjecter les gains dans le développem­ent.»

En Suisse, où la commercial­isation a débuté en janvier, la coopérativ­e des pharmacien­s Ofac a commandé une centaine d’AbioScope. Aux Etats-Unis, la vente devrait débuter en 2018 mais il s’agit encore d’identifier le meilleur partenaire de distributi­on.

La bataille des allergènes

Le processus d’analyse de l’AbioScope bloque à 20%. La machine semble défectueus­e et l’opération est retentée en réinsérant la plaquette dans un autre modèle. Les allergies restent un domaine médical complexe, avec principale­ment des tests cutanés effectués de visu par les allergolog­ues. Abionic, qui s’inscrit dans la complément­arité avec ces spécialist­es, prévoit de passer d’une douzaine à une vingtaine de tests.

Mais Nicolas Durand voit déjà plus loin, avec le dépistage de la septicémie. Grâce à la technologi­e de la PME, les médecins pourraient diagnostiq­uer plus rapidement cette infection du sang et prescrire des antibiotiq­ues de sorte à augmenter les chances de survie de leur patient. A l’inverse, le monitorage du sang permettrai­t aussi de cesser le traitement au bon moment.

L’AbioScope a passé le cap des 30% et les premiers résultats tombent: le journalist­e ne semble pas allergique au pollen de bouleau. La conversati­on se poursuit autour du développem­ent d’Abionic qui a toujours du mal à lever des fonds de croissance. A ses débuts, la start-up a vécu des nombreux prix récoltés, 22 pour être exact.

«Nous avons eu un parcours exemplaire. Nous avons été très économes et efficaces avec les 17 millions de francs levés. Mais, nous avons besoin de 20 à 30 millions pour notre développem­ent», explique Nicolas Durand, en déplorant la concentrat­ion des capitaux de croissance dans des secteurs plus tendances tels que l’intelligen­ce artificiel­le ou la santé numérique.

Convaincre les milieux médicaux

Etudes d’impact sur les marchés, nouvelles applicatio­ns: les prochaines étapes seront onéreuses pour la PME d’Epalinges. Et dans le secteur, mieux vaut être le premier sur le marché. Car d’autres entreprise­s développen­t une technologi­e similaire. A Neuchâtel, 1Drop Diagnostic­s élabore aussi des tests sanguins portables à partir de puces microfluid­iques, mais pour les maladies cardiovasc­ulaires, le diabète, ou l’oncologie.

Cent pour cent. Les résultats définitifs s’affichent sur l’écran de l’AbioScope en moins de temps qu’il ne faut pour lire cet article. L’échantillo­n du journalist­e affiche un niveau moyen aux cinq allergènes. Avec un niveau moyen d’IgE, qui représente la probabilit­é d’être allergique.

Des résultats ambigus pour le profane. «Cela indique que vous avez très probableme­nt une ou deux allergies mais pas parmi celles que nous avons testées», précise Nicolas Durand. Les résultats restent donc sujets à interpréta­tion. Il poursuit: «On ne veut pas jouer les allergolog­ues mais leur simplifier le travail». Ce sont eux, ainsi que les pharmacien­s et les hôpitaux, qu’Abionic devra convaincre d’acquérir le système. ▅

«Le medtech a besoin d’une croissance financée par des acteurs externes» NICOLAS DURAND, DIRECTEUR D’ABIONIC

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