Notre test du diagnostic d’allergie «le plus rapide au monde»
La PME d’Epalinges annonce l’homologation de son test d’allergie «le plus rapide au monde» aux Etats-Unis. Un marché incontournable qui lui permettrait de prouver son modèle d’affaires
A l’heure de la démonstration, Nicolas Durand s’excuse poliment. Voilà deux mois qu’il n’a pas réalisé luimême son test d’allergie IVD Capsule. Celui développé par la PME vaudoise Abionic, dont il est directeur et cofondateur. Le nouveau procédé permettrait de réaliser le diagnostic d’allergie – chiens, chats, pollens de bouleau, acariens et graminées – le plus rapide au monde, selon ses développeurs. Dont acte. Le Temps a tenté l’expérience, autour d’une conversation sans fard ni sparadrap.
Une fois prélevée, la goutte de sang est glissée dans une capsule, une sorte d’éprouvette de laboratoire miniaturisée qui permet d’accélérer le processus en obtenant un état d’équilibre des molécules au bout de deux minutes contre deux ou trois heures pour les laboratoires. Le tout pour 60 à 75 francs en pharmacie, davantage chez les allergologues, où le traitement est couvert par l’assurance maladie.
Insérée dans un disque en métal, la capsule passe dans l’AbioScope, une machine qui lit les gouttes de sang. L’ensemble du système a été homologué en fin de semaine dernière par la sélective FDA, l’agence des produits alimentaires et médicamenteux aux Etats-Unis.
Pour Abionic l’enjeu est, à ce stade, de démontrer le potentiel de sa technologie. «Le medtech a besoin d’une croissance financée par l’externe. On ne peut pas écouler nos machines comme des petits pains et réinjecter les gains dans le développement.»
En Suisse, où la commercialisation a débuté en janvier, la coopérative des pharmaciens Ofac a commandé une centaine d’AbioScope. Aux Etats-Unis, la vente devrait débuter en 2018 mais il s’agit encore d’identifier le meilleur partenaire de distribution.
La bataille des allergènes
Le processus d’analyse de l’AbioScope bloque à 20%. La machine semble défectueuse et l’opération est retentée en réinsérant la plaquette dans un autre modèle. Les allergies restent un domaine médical complexe, avec principalement des tests cutanés effectués de visu par les allergologues. Abionic, qui s’inscrit dans la complémentarité avec ces spécialistes, prévoit de passer d’une douzaine à une vingtaine de tests.
Mais Nicolas Durand voit déjà plus loin, avec le dépistage de la septicémie. Grâce à la technologie de la PME, les médecins pourraient diagnostiquer plus rapidement cette infection du sang et prescrire des antibiotiques de sorte à augmenter les chances de survie de leur patient. A l’inverse, le monitorage du sang permettrait aussi de cesser le traitement au bon moment.
L’AbioScope a passé le cap des 30% et les premiers résultats tombent: le journaliste ne semble pas allergique au pollen de bouleau. La conversation se poursuit autour du développement d’Abionic qui a toujours du mal à lever des fonds de croissance. A ses débuts, la start-up a vécu des nombreux prix récoltés, 22 pour être exact.
«Nous avons eu un parcours exemplaire. Nous avons été très économes et efficaces avec les 17 millions de francs levés. Mais, nous avons besoin de 20 à 30 millions pour notre développement», explique Nicolas Durand, en déplorant la concentration des capitaux de croissance dans des secteurs plus tendances tels que l’intelligence artificielle ou la santé numérique.
Convaincre les milieux médicaux
Etudes d’impact sur les marchés, nouvelles applications: les prochaines étapes seront onéreuses pour la PME d’Epalinges. Et dans le secteur, mieux vaut être le premier sur le marché. Car d’autres entreprises développent une technologie similaire. A Neuchâtel, 1Drop Diagnostics élabore aussi des tests sanguins portables à partir de puces microfluidiques, mais pour les maladies cardiovasculaires, le diabète, ou l’oncologie.
Cent pour cent. Les résultats définitifs s’affichent sur l’écran de l’AbioScope en moins de temps qu’il ne faut pour lire cet article. L’échantillon du journaliste affiche un niveau moyen aux cinq allergènes. Avec un niveau moyen d’IgE, qui représente la probabilité d’être allergique.
Des résultats ambigus pour le profane. «Cela indique que vous avez très probablement une ou deux allergies mais pas parmi celles que nous avons testées», précise Nicolas Durand. Les résultats restent donc sujets à interprétation. Il poursuit: «On ne veut pas jouer les allergologues mais leur simplifier le travail». Ce sont eux, ainsi que les pharmaciens et les hôpitaux, qu’Abionic devra convaincre d’acquérir le système. ▅
«Le medtech a besoin d’une croissance financée par des acteurs externes» NICOLAS DURAND, DIRECTEUR D’ABIONIC