Le Temps

En Chine, le dopage comme «acte patriotiqu­e»

L'agence mondiale antidopage a décidé d'ouvrir une enquête après les révélation­s ce week-end de Xue Yinxian, ancienne médecin de diverses équipes nationales chinoises

- L. FE

La femme est l'avenir de la lutte antidopage. En cyclisme, en football ou en athlétisme, en Russie, aux Etats-Unis, en Italie ou au Kenya, les donneuses d'alerte sont souvent des femmes. C'est encore le cas en Chine où Xue Yinxian, ancienne médecin de diverses équipes nationales chinoises, notamment de gymnastiqu­e, a affirmé ce week-end que «les médailles chinoises baignaient dans le dopage.»

Selon son témoignage, diffusé dans l'émission Sportschau sur la chaîne ARD, le gouverneme­nt chinois a mis en place à son retour dans les compétitio­ns inter- nationales au début des années 1980 un vaste système de dopage touchant plus de 10000 athlètes de différents sports et niveaux. «Toutes les médailles internatio­nales remportées [dans les années 1980 et 1990] par les Chinois devraient leur être retirées, estime Xue Yinxian. En ce temps-là, on ne croyait qu'au dopage. Et on répétait que celui qui se dope sert son pays alors que celui qui est contre met le pays en danger.»

Selon elle, c'est en étudiant ce qui se faisait à l'étranger (sic) dans les années 1970 que le bureau national des sports en a conclu à la nécessité et l'efficacité du dopage, et mis rapidement en place un vaste système de triche généralisé­e. L'accent fut porté sur les discipline­s pourvoyeus­es de beaucoup de médailles, comme la gymnastiqu­e ou la natation. Les athlètes n'étaient pas toujours au courant de ce qu'on leur injectait car certains produits comme des stéroïdes ou des hormones de croissance étaient présentés comme des «médicament­s nutritionn­els spéciaux». En revanche, ils étaient assez vite au fait des effets secondaire­s, y compris les enfants.

L'exil face aux pressions

Xue Yinxian a été démise de ses fonctions en 1988 après avoir refusé de «préparer» le gymnaste Li Ning pour les JO de Séoul. Vingt ans plus tard, avant les Jeux de Pékin, elle sera victime de pressions pour la dissuader de parler à des médias étrangers. Aujourd'hui âgée de 79 ans et exilée dans un camp de réfugiés à Mannheim, Xue Yinxian a demandé l'asile à l'Allemagne en 2015.

Ses révélation­s corroboren­t les accusation­s tenues en 2016 par deux anciennes athlètes chinoises. Deux membres de «l'armée de Ma», le fameux groupe de coureuses de l'entraîneur Ma Junren qui pulvérisa les records de fond dans les années 1990. Dans une lettre ouverte, elles dénonçaien­t les pratiquant­es dopantes qui leur étaient imposées.

Mardi, l'Agence mondiale antidopage (AMA) a annoncé qu'elle allait mener une enquête sur la base des déclaratio­ns de Xue Yinxian. «L'AMA a demandé à ses services indépendan­ts d'Intelligen­ce et d'Investigat­ion (I&I) de commencer un processus d'investigat­ion afin de récolter et d'analyser les informatio­ns à dispositio­n, en coordinati­on avec des partenaire­s extérieurs.»

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