Le Temps

«Ocean’s Eleven» chez les ploucs

Retiré du cinéma il y a quatre ans, Steven Soderberg revient aux affaires avec «Logan Lucky», l’histoire d’un casse mené par une belle bande de bras cassés

- A. DN

En 2013, Steven Soderbergh sort Ma Vie avec Liberace, avec Michael Douglas dans le rôle du kitschissi­me pianiste. La composante gay de cette tragicoméd­ie enjouée ayant effrayé les majors, c'est la chaîne HBO qui a produit le film. Dans la foulée, le réalisateu­r annonce qu'il arrête le cinéma pour se consacrer à la télévision. Il met fin à une carrière qui, commencée à l'âge de 26 ans, en 1989, avec une Palme d'or pour Sexe, mensonges et vidéo, s'est révélée en deçà des espérances. Hormis d'immenses succès populaires (Erin Brockovich, Ocean’s Eleven et ses suites), l'ex-futur prodige a surtout multiplié les projets anodins.

Qui a cru qu'il se retirait définitive­ment? Après deux ans passés à la télévision (The Knick), Steven Soderbergh est de retour avec un produit un peu bourrin, plutôt marrant. Logan Lucky se déroule dans l'ouest de la Virginie, comme «Take Me Home, Country Roads» de John Denver, la chanson fétiche de Jimmy Logan (Channing Tatum), un brave loser.

Ex-champion de football déchu à la suite d'une blessure au genou, il perd son job d'excavateur parce qu'il boite. Il en conçoit l'idée d'une revanche contre le système. Il en parle à son frère Clyde (Adam Driver), tenancier de bar, qui joue du shaker d'une seule main puisqu'il a perdu l'autre en Irak. Ensemble ils vont s'efforcer de conjurer le mauvais sort qui semble s'acharner sur les Logan. Comme dans L’Ultime razzia, de Kubrick, le plan consiste à dérober la recette d'un stade dédié aux courses.

Pour réussir leur coup, les frangins doivent mettre dans la combine Joe Bang (Daniel «007» Craig peroxydé et tatoué), un spécialist­e des explosifs actuelleme­nt incarcéré, et encore leur soeur, les frères demeurés de Joe et autres lavedus.

Pognon siphonné

Steven Soderbergh rejoue Ocean’s Eleven (cité dans le film au gré d'un clin d'oeil) sur le mode bouseux. Au gang impeccable mené par George Clooney, il oppose des pégreleux poissards. Les premiers braquent les casinos chics de Las Vegas en recourant à des technologi­es de pointe, quitte à activer un cyclotron pour produire une masse électronég­ative, quand les seconds fabriquent un explosif à base de petits ours en gelée (ja, ja, Gummibärch­en…) et siphonnent le pognon avec un gros tuyau.

Ponctué de gags délectable­s, souvent liés à l'intellect déficient des personnage­s, Logan Lucky assume son quota d'invraisemb­lances, perd parfois le tempo au fil des bavardages et n'évite pas quelques clichés sentimenta­ux, mais sème la bonne humeur et se termine sur un toast porté à l'amitié. Pour Soderbergh, c'est plutôt réussi. ■

Logan Lucky, de Steven Soderbergh (Etats-Unis, 2017), avec Channing Tatum, Adam Driver, Daniel Craig, Katie Holmes, Katherine Waterston. 1h58.

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