Le Temps

Pour David Hiler, il faut augmenter la part du financemen­t public pour assurer la sécurité sociale

- DAVID HILER

L’économie suisse semble connaître une embellie. Sérieuseme­nt secouées par la crise mondiale de 2009 et du «franc fort» en 2011 et en 2015, les entreprise­s d’exportatio­n profitent de la bonne tenue de l’euro. Selon le Seco, une croissance de 2% du PIB est attendue pour 2018. Elle laisse espérer une augmentati­on du PIB par habitant, qui est resté pratiqueme­nt à son niveau de 2008.

Cette sortie de crise devrait permettre d’aborder plus sereinemen­t le problème principal auquel notre pays est confronté: la crise de son système de sécurité sociale. Longtemps protégée par une économie exceptionn­ellement compétitiv­e, la Suisse rentre aujourd’hui dans le rang. Comme tous les pays développés, elle doit faire face aux effets des progrès de la médecine et du vieillisse­ment de la population sur ses assurances sociales.

Les symptômes de maladie du système sont bien connus.

L’AVS devient déficitair­e et va devoir entamer ses réserves. Les rentes futures de la prévoyance profession­nelle (2e pilier) seront réduites par la baisse des rendements et la nécessaire adaptation du taux de conversion à la réalité démographi­que. Les primes d’assurance maladie ont augmenté de 159% en vingt ans. Lors de l’introducti­on de la loi sur l’assurance maladie (LAMal) en 1996, la prime moyenne s’élevait à 173 francs, contre 447 francs pour 2017. Ces dix dernières années, les primes standards ont augmenté en moyenne de 3,6% chaque année.

Pour le système de retraite, la solution paraît simple: augmenter la TVA d’un point, fixer l’âge de la retraite des femmes à 65 ans et adapter le taux de conversion aux réalités démographi­ques. Le système retrouvera­it ainsi sa solidité pour une vingtaine d’années mais au prix d’une paupérisat­ion d’une importante partie des futurs retraités.

Celle-ci n’est socialemen­t pas acceptable; elle est aussi économique­ment peu souhaitabl­e,

parce qu’elle va réduire la consommati­on intérieure et donc la croissance; elle est problémati­que du point de vue des finances publiques parce que les dépenses des collectivi­tés (prestation­s complément­aires et prise en charge des primes d’assurance maladie) vont croître de façon exponentie­lle. Ces charges nouvelles vont entrer en concurrenc­e (à Genève c’est déjà le cas) avec d’autres dépenses indispensa­bles comme la sécurité ou la formation.

Pour l’assurance maladie, aucun des multiples remèdes prescrits jusqu’ici – baisse des revenus des profession­nels de la santé, contrôle du prix des médicament­s, franchises diverses et variées – ne semble pouvoir freiner la hausse infernale. Les primes d’assurance maladie pèsent déjà lourdement sur le pouvoir d’achat d’une part importante de la population. La prise en charge de tout ou partie des primes maladie par les cantons devient un véritable «mange-budget».

D’un autre côté, la part des dépenses de santé dans le PIB (11-12% selon les sources) n’a rien de choquant. Selon les statistiqu­es publiées par l’OCDE, elle n’est que légèrement supérieure à celle de nos voisins français, allemands ou autrichien­s.

Si l’on veut maintenir les prestation­s offertes par le système de sécurité sociale suisse (ce que la richesse du pays justifie entièremen­t) sans pénaliser les entreprise­s, il n’existe qu’un moyen: augmenter la part du financemen­t public. En d’autres termes, augmenter la part du financemen­t par l’impôt.

Les recettes des taxes qui frappent les produits nocifs à la santé devraient être intégralem­ent affectées au financemen­t de l’assurance maladie

et non à l’AVS ou à la caisse fédérale. Le tabac et l’alcool ne prolongent pas la vie, mais ont certaineme­nt un impact sur le coût de la santé. La taxation sur ces produits peut être plus forte et d’autres produits mériteraie­nt d’être taxés, le sucre en particulie­r.

Pour l’AVS, la TVA semble être la solution la plus adaptée, ce qui exigerait d’aller au-delà d’un point d’augmentati­on prévu. Les effets sur le pouvoir d’achat des ménages pourraient être compensés par une série de mesures visant à réduire les marges des importateu­rs et autres systèmes protection­nistes qui contribuen­t à faire de la Suisse un îlot de cherté. La majorité de la population sortirait largement gagnante d’une telle réforme.

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