Le futur du glyphosate se jouera à Paris et à Berlin
La décision de l’Union européenne, mercredi, de ne pas trancher dans le dossier du glyphosate n’a rien de surprenant. Ce principe actif controversé entre dans la fabrication des pesticides dont la marque la plus connue, la plus efficace, la plus utilisée et la moins chère est le Roundup de Monsanto, géant américain de l’agrochimie.
Le report de cette décision n’est pas lié à une question de santé publique. Il ne concerne pas l’impact du glyphosate sur la sécurité alimentaire, les coûts des produits agricoles, la vie paysanne en Europe ou encore la lutte contre la faim dans le monde. Le débat n’a pas porté non plus sur les évaluations scientifiques de sa toxicité. Du reste, d’ici au prochain rendez-vous, il n’y aura sans doute pas de nouvelle information scientifique pertinente qui viendra bousculer les positions.
Loin de Bruxelles, ce sont des enjeux nationaux qui parasitent le débat et qui freinent les décisions.
La clé de voûte dans cette affaire réside en France et en Allemagne. Comme la décision sera prise par une majorité qualifiée – 55% des Etats membres et 65% des habitants –, ces deux grands de l’UE ont de quoi faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre. C’est donc à Paris et à Berlin que se joue l’avenir du glyphosate en Europe.
En France, deux ministres défendent des positions diamétralement opposées. Le très populaire ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot, tient à l’élimination progressive du glyphosate d’ici à 2020. Mais son collègue de l’Agriculture, Stéphane Travert, plus proche des réalités et des lobbies agricoles, demande plus de temps. Coincé entre le marteau et l’enclume, le président français, Emmanuel Macron, devra jouer le rôle de l’arbitre.
En Allemagne, l’enjeu est beaucoup plus problématique. Les récentes élections législatives n’ont pas donné de majorité claire à Angela Merkel. Dès lors, elle cherche désespérément les béquilles des Verts et des libéraux pour former une nouvelle majorité. En position de force, les Verts exigent une élimination rapide du glyphosate. Les libéraux, eux, le contraire.
A Bruxelles, la décision attendra. L’actuelle licence arrive à échéance le 15 décembre prochain, ce qui donne du temps à toutes sortes de conciliabules. A 28, ce n’est jamais facile de parvenir à un consensus au premier ou au deuxième essai. Mais on peut aisément imaginer que l’UE finira par s’entendre, à la onzième heure comme d’habitude. Il ne serait pas imprudent de parier sur une prolongation de trois à cinq ans, contre dix ans souhaités au départ par la Commission.
Les enjeux nationaux parasitent les débats et freinent les décisions