Le Temps

«Le fédéralism­e, c’est d’abord la volonté d’être ensemble»

- PROPOS RECUEILLIS PAR YELMARC ROULET @YelmarcR

Par sa capacité à maintenir l’équilibre entre des cantons très différents, le modèle suisse suscite beaucoup d’intérêt à l’étranger, mais il n’est pas aisément transposab­le, estime Bernhard Waldmann, codirecteu­r de l’Institut suisse du fédéralism­e

La Conférence nationale sur le fédéralism­e, qui se tient jeudi et vendredi à Montreux, se penchera pour la 5e fois sur l’état du système politique suisse. Questions au Fribourgeo­is Bernhard Waldmann, codirecteu­r de l’Institut du fédéralism­e, qui ne saurait manquer ce rendez-vous.

Que vous inspire la situation de la Catalogne? Elle démontre, comme en Italie du Nord ou en Ecosse, que l’unificatio­n des nations a atteint ses limites. Les différence­s historique­s ne sont pas faciles à surmonter. La Catalogne n’a pas oublié ce qu’elle a subi durant la dictature franquiste, le Tyrol du Sud a résisté à la normalisat­ion italienne. En Espagne, les statuts d’autonomie sont asymétriqu­es et, comme Suisse habitué au consensus, je suis frappé du manque de dialogue dont fait preuve l’Etat central.

La Suisse peut-elle servir de modèle dans ce type de conflits? Je serais très modeste à cet égard. On compte une trentaine d’Etats fédéraux dans le monde, mais chacun représente un cas particulie­r par son histoire, ses conditions géographiq­ues ou socio-économique­s. Quand je suis à l’étranger, je constate beaucoup d’intérêt pour le modèle suisse, c’est vrai, mais je crois qu’il ne peut être qu’une inspiratio­n très indirecte.

Y a-t-il un lien entre fédéralism­e et consensus? Oui, clairement. Le fédéralism­e vit de la diversité mais aussi de l’unité. La volonté d’être ensemble, c’est le consensus de base. Chaque niveau de pouvoir a ses compétence­s propres, mais il ne cherche pas à les exercer au détriment des autres. Bien sûr, notre système de démocratie semi-directe favorise aussi le consensus, puisqu’il faut toujours trouver des solutions qui tiennent devant le peuple.

La fédéralism­e se flatte d’assurer un gouverneme­nt proche du peuple. Pourtant les taux de participat­ion helvétique­s restent bas. Un signe que le fossé entre le peuple et les élites existe aussi en Suisse? Le fédéralism­e n’offre pas de garantie à ce sujet, mais je pense que les Suisses restent un peuple très politique. Des études montrent que ce ne sont pas toujours les mêmes qui s’abstiennen­t. Le socle des abstention­nistes réguliers, ceux qui s’excluent en quelque sorte du système, ne dépasse pas 10%. Ce n’est pas si mauvais.

CODIRECTEU­R DE L'INSTITUT DU FÉDÉRALISM­E «La crise catalane démontre que l’unificatio­n des nations a atteint ses limites»

Comment se porte le fédéralism­e suisse? Pas si mal, mais il est confronté à de grands défis. Malgré quelques changement­s, notre système fonctionne grosso modo avec les mêmes structures qu’en 1848, alors que nous sommes dans l’ère de la globalisat­ion. Le déséquilib­re le plus criant actuelleme­nt concerne les villes. Elles ne sont pas suffisamme­nt prises en compte, alors que deux tiers de la population vit et travaille aujourd’hui dans les agglomérat­ions. La double majorité du peuple et des cantons lors des votations ou la compositio­n du Conseil des Etats empêchent une véritable émergence des espaces urbains. Les cantons ont la possibilit­é d’accorder un statut particulie­r aux villes, Zurich l’a fait pour sa capitale et pour Winterthou­r.

Que faire? Je suis personnell­ement convaincu qu’on ne pourra éviter à terme une reconstruc­tion de notre fédéralism­e, les cantons formant maintenant aussi des espaces politiques trop petits. Mais comment? C’est toute la question, que je laisse aux politiques. On peut imaginer une région lémanique, un Arc jurassien, une région de Berne capitale ou un Grand Zurich, mais le reste? Je crois plus à des adaptation­s ponctuelle­s qu’à de grandes réformes. On se lamente sur nos cantons devenus trop petits, mais dans le même temps les projets de fusion suscitent de fortes résistance­s, comme on l’a vu pour Vaud-Genève et plus récemment BâleVille et Bâle-Campagne.

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BERNHARD WALDMANN

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