En Irak, recul kurde sur le référendum
Le président de la région autonome, Massoud Barzani propose un «cessez-le-feu immédiat» et un «gel des résultats» du vote du 25 septembre
Le gouvernement de la province autonome du Kurdistan irakien a proposé à Bagdad, mercredi 25 octobre, dans une déclaration inattendue et à la teneur conciliante, un «cessez-le-feu immédiat», ainsi qu’un «gel des résultats» de leur référendum d’indépendance, qui avait recueilli un oui massif le 25 septembre. Ce recul du président de la région kurde, Massoud Barzani, qui était demeuré jusqu’alors inflexible sur les résultats du scrutin et leur implication, pourrait cependant ne pas suffire à convaincre Bagdad d’enclencher de nouvelles négociations: le premier ministre, Haïder al-Abadi, avait auparavant exigé leur annulation pure et simple comme condition préalable au dialogue.
Cette proposition kurde intervient après des accrochages, mardi, entre les peshmergas et les forces irakiennes. Depuis le 16 octobre, l’armée irakienne a avancé rapidement – de rares combats avaient fait jusqu’à lundi une trentaine de morts – pour reconquérir les territoires contestés dont les autorités kurdes avaient pris le contrôle depuis 2014, à la faveur de la lutte contre l’Etat islamique (EI), et sur lesquels elles exerçaient une influence depuis la chute de Saddam Hussein, en 2003.
L’autorité du gouvernement fédéral a ainsi été rétablie sur la province pétrolière de Kirkouk, ainsi que dans d’autres districts disputés entre l’Etat irakien et la région autonome. Mardi, les forces loyales au Parti démocratique du Kurdistan (PDK) de Massoud Barzani ont riposté par les armes aux avancées de Bagdad, notamment au nord du gouvernorat de Ninive (région de Mossoul), près du village chrétien de Tel Eskof.
Elections reportées
Des images abondamment diffusées mardi par les médias affiliés au parti de Massoud Barzani montraient des combattants kurdes forçant des soldats de la 16e division de l’armée irakienne, dont plusieurs avaient été blessés, à évacuer un point de contrôle à la suite d’une escarmouche dans la région de Makhmour, au sud d’Erbil, la capitale du Kurdistan autonome.
La médiatisation de ces accrochages faisait craindre une escalade militaire dans les territoires disputés encore contrôlés par les peshmergas, notamment dans le nord de la province de Mossoul, où domine le PDK. Les forces irakiennes se tenaient prêtes, mardi, à poursuivre leur offensive au nord de Mossoul et vers Pech Khabour, qui abrite un poste frontière informel reliant la région kurde d’Irak à une partie de la Syrie contrôlée par des Kurdes syriens.
Les Kurdes divisés
Cette zone abrite également un terminal pétrolier stratégique, qui dépend officiellement du gouvernement central de Bagdad, mais que les Kurdes contrôlent: c’est par lui qu’ils font transiter leurs exportations directes de brut vers le port turc de Ceyhan. De fait, la perte de Kirkouk et des zones de production pétrolière attenantes avait déjà condamné, depuis le 16 octobre, toute chance d’indépendance de la région. Massoud Barzani luimême ne s’est pas exprimé publiquement depuis le 17 octobre. La survie économique du gouvernement qu’il dirige dépend désormais d’un accord avec Bagdad sur le partage des revenus pétroliers, qu’Erbil devra négocier en position de faiblesse.
Les Kurdes d’Irak sortent divisés et affaiblis par les suites du référendum. Les factions politiques kurdes s’opposent autant entre elles que la région dans son ensemble à Bagdad. Mardi, le parlement du Kurdistan irakien a, sans surprise, reporté de huit mois les législatives prévues le 1er novembre, ainsi que la présidentielle, sans proposer de date pour celle-ci. Ce report prolonge un vide institutionnel ouvert en 2013, à l’expiration du mandat de Massoud Barzani, premier et unique président élu de la région autonome. Ce mandat avait été prolongé de deux ans, puis s’était poursuivi à la faveur de la guerre contre l’EI.
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La perte de Kirkouk avait déjà condamné toute chance d’indépendance