Le Temps

«Attention aux comporteme­nts opportunis­tes!»

- PROPOS RECUEILLIS PAR M. G.

Brigitte Rorive, directrice des finances des HUG, relève qu’il faudra faire attention à la manière dont on fixera les plafonds proposés

Avez-vous l’impression que ce rapport apportera une contributi­on à la maîtrise des coûts de la santé? Cela va dans la bonne direction. Les priorités sont justes. Le rapport d’experts demande à tous les acteurs d’agir afin de maîtriser la hausse des coûts. Jusqu’à présent, tous les acteurs du système sont tentés de maximiser leurs profits et de défendre leurs intérêts particulie­rs. Il y a très peu d’incitants pour évoluer vers un système vertueux. Dans le système ambulatoir­e notamment, on finance les actes sans contrôler leur pertinence.

Le Conseil fédéral veut introduire des plafonds contraigna­nts sur le volume des prestation­s dans l’assurance de base. Une bonne idée? Oui, s’il s’agit là d’un plafond par prise en charge et fixé sur des critères cliniques, par exemple pour un patient souffrant d’une maladie chronique. Mais non si l’on se contente de travailler sur l’ensemble du volume de soins d’un prestatair­e. Un médecin pourrait alors sélectionn­er les risques et dispenser davantage d’actes aux patients les plus simples à prendre en charge. Le danger est de récréer des comporteme­nts opportunis­tes. Il faudra donc faire attention à la manière dont on fixe ces plafonds.

L’Office de la santé publique songe à réduire le tarif des prestation­s dès qu’un volume de prestation­s est atteint. Est-ce un incitatif suffisant? Non, cela ne serait pas une vraie sanction. Il faut examiner la pertinence de l’acte et autoriser l’assureur à ne pas rembourser une prestation non justifiée médicaleme­nt.

Comment faire pour lutter contre la surmédical­isation? Aux HUG, une étude a révélé que dans le cadre de l’examen préopérato­ire, 50% des radios du thorax étaient inutiles. Nous avons depuis corrigé le tir. Concrèteme­nt, il s’agit d’identifier des actes inopportun­s dans un contexte particulie­r et de diminuer ces gaspillage­s.

Vous déplorez toujours la fragmentat­ion de la chaîne de soins. Va-t-on vers une améliorati­on sur ce plan? Malheureus­ement, l’argent est toujours le nerf de la guerre, y compris dans le domaine de la santé. Si on veut renforcer les soins coordonnés, il faudra trouver des incitants financiers. Aujourd’hui, ils manquent totalement. Prenons le cas d’un cancer, qui va nécessiter des épisodes ambulatoir­es, une hospitalis­ation pour une chirurgie, une phase de réhabilita­tion et enfin des soins à domicile. Il manque de coordinati­on dans cette chaîne de soins, ce qui conduit à une redondance des actes et à un manque d’informatio­n. En collaborat­ion avec les assureurs, il faudrait trouver un financemen­t innovant pour maîtriser les coûts durant tout le traitement et favoriser la coordinati­on entre les acteurs. Des modèles existent, notamment aux Etats-Unis.

Que faire pour réduire le coût des médicament­s? On le sait: le même médicament coûte plus cher en Suisse que dans les pays voisins, ce qui ne s’explique qu’en partie seulement par les coûts de recherche et développem­ent de notre industrie pharmaceut­ique. Il faut créer une transparen­ce plus grande sur la façon dont sont fixés les prix des médicament­s. Le souhait des experts d’encourager par la loi l’importatio­n parallèle des médicament­s est une bonne chose.

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BRIGITTE RORIVE DIRECTRICE DES FINANCES DES HUG

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