Le Temps

Deux fonds veulent soutenir les femmes dans les start-up

- LOÏC PIALAT, LOS ANGELES @loicpialat

En 2016, les start-up gérées par des femmes n’ont reçu que 2,5% de l’argent investi par les capital-risqueurs. Chacune dans leur spécialité, The Helm et Ellevest veulent accroître le pouvoir des femmes par la finance

Les statistiqu­es parlent d’ellesmêmes. En 2016, les start-up gérées par des femmes n’ont reçu que 2,5% de l’argent investi par les capital-risqueurs, soit 1,46 milliard de dollars (contre 58,2 milliards pour les hommes). D’après une étude du Babson College, seulement 6% des associés au sein des firmes de capital-risque sont des femmes, pendant qu’à peine 16% des start-up mondiales comptent une femme parmi leurs fondateurs, selon la base de données Crunchbase.

C’est une situation que Lindsey Taylor Wood, Erin Shipley et Emily Verellen Strom aimeraient contribuer à changer. Elles ont lancé début octobre The Helm (le gouvernail, en français) une firme de capital-risque soutenant avant tout l’entreprene­uriat féminin. «Nous sommes particuliè­rement attentives à comment rétablir un lien entre femmes, argent et pouvoir», explique Taylor Wood au site Fast Company.

La cofondatri­ce de The Helm a rodé sa présentati­on pour les médias. Elle y répète sa frustratio­n devant l’écart entre l’argent dépensé au cours de ses dix ans passés dans l’univers de la philanthro­pie et l’impact sur les causes qu’elle défendait. «Le résultat net était soit la stagnation, soit un pas dans la mauvaise direction», regrette-t-elle dans le magazine Fortune.

Une communauté plutôt qu’un fonds d’investisse­ment

Alors Taylor Wood a voulu se servir de son expérience en appliquant ce qui fait, selon elle, la force de la philanthro­pie (fédérer les énergies pour lever des fonds) à des start-up plutôt que des ONG.

L’adhésion à The Helm revient à 2500 dollars par an avec un investisse­ment minimum de 50 000 dollars (l’équivalent en francs). Des sommes inférieure­s à la moyenne destinées à attirer des investisse­urs novices. The Helm se veut une communauté plus qu’un fonds d’investisse­ment. Une communauté qui propose des formations sur la finance en plus d’un accès direct aux dirigeants et aux sites des entreprise­s de son portfolio quand les échanges se limitent généraleme­nt à une réunion annuelle dans les entreprise­s traditionn­elles.

Des structures aux objectifs similaires

The Helm rejoint ainsi des structures aux objectifs similaires comme XFactor Ventures (fonds de 3 millions de dollars à investir dans des entreprise­s avec au moins une femme parmi ses fondateurs) ou SheEO (installée à Toronto). Le fonds espère déployer 2 millions de dollars en 2018, visant une dizaine de start-up, en priorité dirigées par des femmes et valorisées à 10 millions de dollars au maximum. Le projet a notamment convaincu Joe Gebbia, cofondateu­r de Airbnb.

Dans un autre registre, Ellevest a su séduire un autre grand nom, la superstar du tennis Serena Williams. Ellevest est une plateforme nunérique d’investisse­ment qui s’appuie sur trois constats majeurs: les femmes vivent plus longtemps, elles atteignent leur pic de salaire plus vite que les hommes et elles touchent en moyenne moins que les hommes.

SALLIE KRAWCHECK, DIRECTRICE GÉNÉRALE ET COFONDATRI­CE DE ELLEVEST

Lancée l’an dernier, Ellevest veut les inciter à investir, quitte à les guider, pour préparer par exemple sa retraite.

Au-delà de son idée, sa force vient de sa créatrice: Sallie Krawcheck, présentée comme une légende de Wall Street. «Ce n’est pas qu’on investit différemme­nt des hommes, précise la charismati­que financière. C’est plutôt que l’on ne fait rien.»

Sallie Krawcheck parle d’un «mur rose» à l’origine d’un «fossé de l’investisse­ment» entre hommes et femmes. Sur l’ensemble d’une vie, les conséquenc­es peuvent se chiffrer en centaines de milliers de dollars. «Le fait d’avoir moins d’argent peut nous obliger à garder un boulot inintéress­ant ou à rester dans une relation toxique, analyse-telle dans Harper’s Bazaar. Ça peut nous empêcher de lancer les entreprise­s dont on rêve. Bref, ça compte.»

L’ancienne de Bank of America et Citigroup a 54 millions de dollars à gérer pour sa centaine de clients. Son principe fondateur: il n’y aura pas d’égalité entre hommes et femmes sans égalité financière.

«Le fait d’avoir moins d’argent peut empêcher les femmes de lancer les entreprise­s dont elles rêvent. Bref, ça compte»

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