Le Temps

Fédéralism­e en déséquilib­re

- YELMARC ROULET @YelmarcR

Les problèmes du fédéralism­e suisse semblent bien petits au vu de la bataille que se livrent l’Espagne et la Catalogne. Les crises nationales de ce type mettent du reste en lumière le succès du modèle suisse, même si celui-ci n’est pas forcément transposab­le à d’autres lieux et d’autres histoires.

Le fédéralism­e helvétique constitue, avec la démocratie semi-directe et la culture politique de consensus, une heureuse trinité dont les éléments sont étroitemen­t liés. La nécessité de gagner devant le peuple favorise la recherche de compromis à chaque échelon du pouvoir. Le respect des communauté­s et des régions minoritair­es, inhérent au système, réduit le risque que les tensions n’éteignent à la longue la volonté de vivre ensemble.

Pour autant, le fédéralism­e suisse montre des faiblesses qu’il ne faut pas ignorer. Dans ses grandes lignes, le système instauré il y a 170 ans avec la Suisse moderne est toujours celui qui régit les citoyens mobiles et globalisés d’aujourd’hui. Immuables, les espaces politiques sont devenus trop petits par rapport aux espaces de vie des Suisses. Les cantons perdent de leurs compétence­s, sous le coup d’une harmonisat­ion à laquelle poussent le droit internatio­nal, l’Etat fédéral, la population, voire les cantons eux-mêmes quand ils échouent à régler un problème ou veulent s’en débarrasse­r. L’asile, l’aménagemen­t du territoire, les infrastruc­tures et même la formation ne sont que quelques exemples de domaines où la compétence fédérale s’impose à l’évidence.

Un développem­ent économique et démographi­que fort mais très inégalemen­t réparti a créé par ailleurs un déséquilib­re croissant dans la représenta­tion et donc le poids politique de la population. Près des trois quarts des Suisses vivent actuelleme­nt dans des villes et des agglomérat­ions, une réalité que le système ne prend pas en compte, ou si peu.

La 5e Conférence nationale sur le fédéralism­e, qui dresse ces jours à Montreux une sorte d’état de la nation confédéral­e, met en lumière tant les insuffisan­ces du système que la difficulté de retoucher une mécanique aussi délicate. Les fusions intercanto­nales ont échoué, les visions d’une Suisse redécoupée en grandes régions n’ont guère séduit. Pour les cantons, du reste, tout n’est pas noir: ils conservent leur fort pouvoir de prélèvemen­t fiscal, se découvrent de nouveaux muscles dans les collaborat­ions intercanto­nales et la population continue affectivem­ent de s’identifier à eux.

Mais le récent échec de la réforme de la fiscalité des entreprise­s (RIE III), par lequel on peut dire que les villes se sont vengées d’une réforme concoctée par-dessus leur tête, est un exemple parlant des actuels déséquilib­res et de leurs conséquenc­es. La prise en compte institutio­nnelle de la Suisse urbaine, à travers un statut réservé aux villes, une réforme du Conseil des Etats assurant leur présence ou toute autre solution, reste un enjeu crucial face auquel il ne faut pas baisser les bras.

Le modèle suisse montre aujourd’hui des faiblesses qu’il ne faut pas ignorer

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