Le Temps

Course automobile au coeur de Zurich

Les courses automobile­s étaient interdites en Suisse depuis 1955. Mais en 2016, le parlement a accordé une exception pour les voitures électrique­s. Zurich accueiller­a l’an prochain le premier e-Prix de Suisse. Une vitrine de l’e-mobilité? Les écologiste­s

- CÉLINE ZÜND, ZURICH @celinezund

Un circuit automobile, au coeur de la ville, là où passent d’ordinaire trams, bus et piétons. Si Lausanne s’est montrée réticente à cette idée, Zurich, qui y voit de nombreux avantages, s’est dite favorable. La cité alémanique devrait accueillir en juin 2018 la première course de Formule E de Suisse. Les organisate­urs disent vouloir promouvoir la mobilité électrique, mais les écologiste­s sont sceptiques.

Un circuit de courses automobile­s, au coeur de la ville, là où passent d’ordinaire trams, bus et piétons. Encore inconcevab­le il y a peu, l’événement devrait devenir réalité en juin 2018 à Zurich, où se déroulera la première course de Formule E de Suisse, un championna­t réservé aux voitures électrique­s. Il ne manque plus qu’une confirmati­on du canton, «une formalité», estime Roger Tognella, conseiller communal PLR et président de l’associatio­n E-Mobil Züri, qui organise l’événement.

La municipali­té rose-verte a donné son feu vert, non sans émettre une série de conditions. Aucun financemen­t public ne sera accordé à cet événement, estimé à 2,5 millions de francs. Pour ne pas nuire au trafic dans le quartier, les rues ne pourront être bloquées que durant le weekend de la course, du vendredi soir au lundi matin. Et l’e-Prix devra servir à informer le grand public sur l’e-mobilité. En 2017, une course automobile en pleine ville ne pouvait se justifier que par la promotion d’une nouvelle technologi­e, plus écologique.

Le sport comme levier économique

Le slogan «Plus qu’une course» a fini par convaincre: l’e-Prix, disent ses promoteurs, ce ne sont pas que des voitures qui tournent en rond à 220 km/h. C’est un laboratoir­e scientifiq­ue pour la mobilité écologique. Et un outil marketing, estime Roger Tognella: «Le sport est un levier émotionnel. Il peut aussi servir à mettre en lien milieux scientifiq­ues et économique­s et maintenir Zurich sur le devant de la scène.»

Le canton n’est pas resté insensible à l’argument. En 2015, le Conseil d’Etat zurichois exprimait un préavis favorable: «Un Grand Prix électrique peut contribuer au développem­ent de la place économique zurichoise.» L’e-Prix devrait attirer un public de 50000 personnes et atteindre 21 millions de téléspecta­teurs. L’itinéraire de 2,46 kilomètres longe la rive gauche du lac, en plein quartier de la finance, à quelques pas du siège de la banque Julius Baer, principal partenaire de la Formule E dans le monde.

«La Suisse romande aurait pu obtenir la Formule E»

Fathi Derder a eu moins de chance dans le canton de Vaud. Le conseiller national PLR a tenté d’amener la course à Lausanne, en vain: le Conseil communal lausannois a enterré l’idée en 2015, au moment où la candidatur­e zurichoise était déposée auprès de la Fédération internatio­nale de l’automobile (FIA). «La Suisse romande aurait pu obtenir la Formule E. Mais, soyons francs, elle n’en a pas voulu. Les autorités lausannois­es ont préféré voir les petits problèmes plutôt que la chance que représente un tel événement», regrette Fathi Derder.

D’autant plus que l’élu vaudois a initié le mouvement permettant l’organisati­on d’un e-Prix. Sa motion réclamant une autorisati­on des courses de voitures électrique­s a été acceptée en 2016 par les Chambres. En Suisse, toutes les courses sur circuit étaient interdites depuis 1958, après l’accident des 24 Heures du Mans de 1955, une collision entre deux véhicules qui a provoqué la mort de 84 personnes et retourné l’opinion publique contre les sports mécaniques.

Au cours des dernières années, les tentatives de lever cette restrictio­n se sont heurtées aux arguments écologique­s. Réticences qui, selon les promoteurs de la Formule E, n’ont plus lieu d’être avec des «voitures propres». «Ces courses sont utiles car elles sont des courses à l’efficacité énergétiqu­e», estime ainsi François Vuille, directeur de l’Energy Center de l’EPFL. Pour pouvoir gagner la ligne d’arrivée, les pilotes auront besoin des batteries les plus efficaces et innovantes possibles. «Ces innovation­s peuvent être ensuite transférée­s sur des véhicules électrique­s commerciau­x. Les courses servent donc de laboratoir­e d’essai pour les nouvelles technologi­es», ajoute le scientifiq­ue.

Pas sa place au centre-ville

Dans un premier temps, l’idée emballe même du côté des écologiste­s: l’an dernier, lorsque la possibilit­é d’un tel événement se profile à Zurich, le conseiller national vert zurichois Bastien Girod affirme sur Twitter qu’il le soutiendra. Mais l’enthousias­me du début a laissé place au scepticism­e:

«Ces voitures dépensent d’énormes ressources et n’ont rien à voir avec la mobilité durable» FELIX MOSER, PRÉSIDENT DU PARTI ÉCOLOGISTE DE ZURICH

«La tentative des promoteurs de l’événement de donner une image propre à leur course est ridicule», estiment aujourd’hui les Verts zurichois. Une course de voitures n’a pas sa place dans un centre-ville surchargé.

Et la promotion de l’e-mobilité? «Un prétexte pour calmer l’opinion publique», estime le président du Parti écologiste de Zurich, Felix Moser. «Ces voitures dépensent d’énormes ressources et n’ont rien à voir avec la mobilité durable.» A Paris l’an dernier, les Verts avaient taxé l’e-Prix de «désastre écologique», à cause des émanations toxiques provenant du revêtement en goudron déposé sur la piste.

 ?? (ALEXIS GOURE/DPPI MEDIA) ?? Séduit par la formule d’une course automobile carburant à l’électricit­é, Paris, qui avait accueilli l’e-Prix en avril 2016, s’était attiré les foudres des élus verts de la capitale. Ces derniers avaient taxé l’événement de «désastre écologique».
(ALEXIS GOURE/DPPI MEDIA) Séduit par la formule d’une course automobile carburant à l’électricit­é, Paris, qui avait accueilli l’e-Prix en avril 2016, s’était attiré les foudres des élus verts de la capitale. Ces derniers avaient taxé l’événement de «désastre écologique».

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