En Chine, la taille des photos compte
Au lendemain de la réélection de Xi Jinping à la tête de l’Empire du Milieu, tous les journaux du pays affichent une première page similaire. Le portrait du président trône magistralement au centre
Impossible de ne pas penser à Andy Warhol. Au lendemain de la réélection de Xi Jinping à la tête de l’Empire du Milieu, la presse chinoise réunie avait des allures pop art. Toutes les unes du jour étaient non seulement unanimes mais identiques.
Voyez vous-même: une seule et même photo règne sur les pages. Celle du leader élu de nouveau pour cinq ans. Un seul et même titre est déroulé sur la gauche de chacune. A droite, l’espace est réservé à la liste des membres de la nouvelle équipe de direction. Et en pied de page, la même photo des sept recrues du Politburo en rang d’oignons a été choisie par les différentes éditions. Certains titres se démarquaient, peut-être, en relevant une information internationale importante: le président Donald Trump a envoyé ses félicitations à Xi.
C’est la journaliste Yew Lun Tian, basée à Singapour, qui dévoile ce panorama médiatique sur Twitter. Parmi ces journaux figurent Le Quotidien du peuple (le porte-parole du Parti communiste), Le Quotidien de la libération du peuple (journal officiel de l’armée chinoise) et le Beijing Daily (journal officiel du gouvernement de Pékin). Le journal en ligne américain Quartz, qui a relayé l’information, précise que ces médias sont bien sûr détenus par l’Etat ou gérés par les gouvernements locaux et que les informations sont toutes fournies par le même fil de presse officiel, Xinhua (Chine nouvelle).
Est-ce bien étonnant? La réélection de Xi Jinping au terme du 19e congrès national ne surprend que très peu et l’uniformité de la presse chinoise encore moins. Sur les réseaux, on préfère ironiser plutôt que de redouter l’apparition d’un «petit timonier». Les principaux leviers du pouvoir accaparés, il est, écrivait Le Temps à la mi-octobre, «le président chinois le plus puissant depuis Deng Xiaoping, voire depuis Mao».
L’uniformité des unes en témoigne. «Nous voici entrés dans l’ère Xi», annonce @stuart_lau, correspondant à Pékin pour le South China Morning Post, en comparant les publications suivant les six dernières élections chinoises. Quel que soit le dessein de son tweet, un élément saute aux yeux: la taille de la photo de Xi Jinping, cette année, est deux fois plus grande que celle de ses prédécesseurs. Faut-il y voir le signe évocateur d’un pouvoir grandissant?
Certains internautes répondraient par la positive. De Singapour également, @QiZHAI renforce le trait en comparant les unes du Quotidien du peuple de cette année avec celles de 2007, lors de la réélection de Hu Jintao. A cette époque, la photo du président jouissait du même espace que celles des membres du comité du Politburo. Ce qui n’est cette année pas le cas.
Si l’on en croit cet internaute, en Chine, plus on en a une grande, plus on est puissant. Mercredi, aucun successeur à Xi n’a été nommé et il semble délicat de parvenir à en distinguer un potentiel parmi les nouveaux élus. Quartz confirme les soupçons. Lors du conclave du 25 octobre, le président aurait profité du remaniement pour inscrire son nom et sa doctrine dans la Constitution du parti. Le dernier à l’avoir fait était Mao Zedong…
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