Le procès d’Erwin Sperisen peut attendre
L’ancien chef de la police guatémaltèque étant sorti de détention, les débats sont moins urgents. La présidente de la Cour d’appel préfère connaître l’issue des demandes de récusation qui la vise
Rien ne sert de précipiter la tenue du troisième procès d'Erwin Sperisen. L'ancien chef de la police nationale du Guatemala ayant été mis en liberté sous surveillance après l'annulation du jugement le condamnant à la prison à vie pour des assassinats de détenus, la présidente de la Chambre pénale d'appel a décidé de reporter de cinq mois les débats qui devaient s'ouvrir fin novembre. Visée par une double demande de récusation émanant de la défense, la magistrate préfère logiquement attendre que cette question soit tranchée avant de siéger de nouveau – ou pas – dans cette affaire hautement polémique.
La donne a changé
L'ordonnance est tombée vendredi. En quelques lignes, la présidente Alessandra Cambi FavreBulle rappelle que la date du 28 novembre avait été fixée au mois d'août alors qu'Erwin Sperisen se trouvait en détention provisoire depuis très longtemps, soit cinq ans. Il y avait donc urgence à organiser les nouveaux débats. Le 22 septembre dernier, la mise en liberté de l'intéressé, assortie de mesures de substitution et de surveillance (dépôt de ses papiers, port d'un bracelet électronique et visites au poste de police), a été prononcée à la suite d'une décision du Tribunal fédéral estimant que les charges ont diminué, même si celles-ci demeurent, et que le risque de fuite peut être pallié par des mesures moins incisives que la prison.
Après cette libération, la défense a demandé par deux fois, les 27 septembre et 9 octobre, la récusation de la présidente. La juridiction concernée examine encore ces requêtes afin de déterminer si la magistrate en question a fait preuve de partialité en écrivant dans ses décisions que la condamnation d'Erwin Sperisen paraissait encore «vraisemblable» et que le Tribunal fédéral avait partagé cette conclusion dans les considérants de l'arrêt annulant le jugement querellé.
Dans l'ordonnance qui annonce le renvoi du procès, la présidente rappelle encore qu'un magistrat visé par une récusation continue d'exercer ses fonctions jusqu'à droit jugé sur la requête. «La doctrine recommande toutefois qu'il n'entreprenne que des actes de procédure absolument indispensables», ajoute cette décision. Dans ces conditions, et alors que la tenue du procès ne revêt plus un caractère aussi urgent, celui-ci est reporté à la mi-avril.
Dans la bouche des défenseurs du prévenu, Mes Florian Baier et Giorgio Campa, dont la tendance à l'exagération n'est plus à démontrer, ce nouveau rebondissement signifie que la présidente prend l'hypothèse de sa récusation au sérieux. Du côté de la partie plaignante, Me Alexandra Lopez considère «qu'il n'y a pas de motif de récusation dans cette affaire» et qualifie le report des débats de «décision raisonnable compte tenu de la procédure encore pendante».
En clair, mieux vaut que ce procès se tienne sans une épée de Damoclès au-dessus de la tête de la cour. Et surtout, mieux vaut éviter qu'il explose en plein vol si la récusation devait être acceptée.
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