De la Silicon Valley à Yverdon
La nouvelle directrice du parc technologique Y-Parc souhaite faire venir des entreprises américaines et canadiennes dans la région et aider les start-up vaudoises à entrer en contact avec les investisseurs de la Silicon Valley
Ce qui frappe en la voyant, c’est son allure juvénile. Et pourtant, Juliana Pantet, la nouvelle directrice d’Y-Parc qui a pris ses fonctions il y a quelques semaines seulement, possède une solide expérience dans la Silicon Valley et un carnet d’adresses à faire rêver les start-up et PME du Nord vaudois.
«J’aimerais établir des partenariats avec le Canada et la Silicon Valley, notamment les grandes universités, tout en poursuivant les échanges avec la Haute Ecole d’ingénieurs du canton. Je souhaite faire venir des entreprises dans la région et aider les start-up vaudoises à entrer en contact avec les investisseurs de la Valley», annonce-t-elle avec enthousiasme. Pour la jeune femme, empreinte de la culture américaine, tout est possible. Et ce qui pourrait peut-être l’agacer, c’est cette prudence typiquement helvétique et des phrases comme «je ne sais pas si ça va marcher». «Il faut être passionné, la vie est courte», dit-elle, du haut de ses 34 ans.
Juliana Pantet souhaite ouvrir davantage le parc à l’international et accroître sa visibilité. Celui-ci compte déjà 150 entreprises et 12 start-up, soit 1400 emplois au total. «Le potentiel est immense. Si nous parvenons à attirer une grande entreprise étrangère, l’impact sera très important pour la région.»
Dans l’immédiat, ce qui va mobiliser une grande partie de son énergie, c’est le projet Kindercity qui consiste en deux bâtiments reliés par un atrium. Le premier accueillera un espace d’exposition autour de la science, destiné aux enfants. Quant au second édifice, il s’agira d’un centre de services où l’on trouvera un espace événementiel à la pointe de la technologie mais aussi d’un centre commercial avec fitness, garderie et cinéma 4D. «Kindercity sera une ville dans la ville. C’est important d’avoir un lieu d’échange», estime-t-elle, assise dans son bureau qui garde encore toutes les traces de son prédécesseur Sandy Wetzel, parti rejoindre la tête de Neode, le parc technologique et industriel neuchâtelois.
Avocate de formation, Juliana Pantet a fait toute sa carrière aux Etats-Unis. Pourtant, c’est à Yverdon-les-Bains qu’elle a passé son enfance. «Quand j’avais 13 ans, ma mère s’est remariée avec un Américain. Avec mes deux frères, nous avons déménagé à Seattle, explique-t-elle, dans un français parfait, qui trahit même parfois, au détour d’un mot, ses origines vaudoises. En pleine adolescence, ce déracinement n’a pas été facile.»
Après un doctorat à San Francisco, Juliana Pantet a travaillé durant cinq ans comme déléguée commerciale au consulat général du Canada. Elle soutenait notamment des entreprises canadiennes désireuses de s’établir dans la Silicon Valley et les aidait à trouver des fonds. Elle a aussi créé, il y a onze ans, le Canadian Technology Accelerator (CTA), un accélérateur d’entreprises qui compte désormais 400 membres.
Puis elle a pris la direction de Beehive Holdings à San Francisco et Vancouver, un fonds appartenant à Don Mattrick, le fondateur d’Electronic Arts et ex-patron des divertissements interactifs du groupe Microsoft. «Le fonds Beehive Holdings appartient également à sa femme, précise Juliana Pantet. J’étais chargée de faire des recommandations d’investissement dans des start-up. Il fallait que les Mattrick aient un coup de coeur. Et ce sont souvent les idées les plus simples qui ont connu les plus grands succès.»
Ainsi, Juliana Pantet a par exemple découvert la société Classpass qui a développé une plateforme permettant, grâce à un seul abonnement, d’accéder à une multitude de fitness ou centres sportifs. «Nous avons investi lorsque la société valait 4 millions de dollars. Elle en vaut désormais 400 millions.» Elle a aussi participé au lancement de Bellabeat, une sorte de fitbit destiné aux femmes. «Il s’agit d’un bijou en forme de feuille qui récolte toutes sortes de données. Porté à la ceinture, il permet, par exemple, à une femme enceinte d’obtenir des informations sur le battement cardiaque de son bébé.»
Avec le couple Mattrick, Juliana Pantet identifiait des secteurs porteurs. «Nous nous intéressions particulièrement aux business liés aux femmes qui sont à l’origine de 85% des achats en ligne aux Etats-Unis et au Canada. Un autre secteur était celui des animaux de compagnie, car les Américains dépensent plus d’argent pour leur chien que pour leur enfant», fait remarquer cette passionnée de dressage canin qui dit être parfois «comme un chien qui ne lâche pas son os».
Ainsi, le fonds d’investissement a repéré la start-up Petnet, qui a conçu un bol muni de capteurs et d’une caméra, capables de mesurer précisément les repas de l’animal en fonction de son profil. Petnet est également à l’origine d’une mangeoire «intelligente», qui permet de délivrer des croquettes à distance, via son smartphone, tout en se faisant livrer de la nourriture animalière à domicile. Juliana Pantet en possède un modèle pour sa chienne Chloé, «qui ne s’est pas encore habituée au froid d’Yverdon-les-Bains».
Quant à Juliana Pantet, pourquoi est-elle rentrée en Suisse? «Depuis le décès de ma maman, je n’ai quasiment plus d’attache familiale aux Etats-Unis. J’ai voulu retrouver mon père, mon frère et mieux connaître ma demi-soeur, dit-elle. Et chapeauter un grand parc technologique, c’est une opportunité unique.»
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«Quand j’avais 13 ans, ma mère s’est remariée avec un Américain. Nous avons déménagé à Seattle. En pleine adolescence, ce déracinement n’a pas été facile»