Pas d’égalité homme-femme avant 100 ans
Pour la première fois depuis que le WEF publie son rapport sur l’égalité des genres, la tendance est à la régression dans tous les domaines. Il faudra même 217 ans pour atteindre des salaires égaux. Certains pays progressent néanmoins, mais pas la Suisse
Si on est une femme, il vaut mieux vivre en Islande, aux Philippines ou au Nicaragua qu’en Suisse. Mais c’est pire encore aux Etats-Unis. Les trois premiers figurent dans le top 10 des pays les mieux classés en termes d’égalité des genres, qu’il s’agisse de politique, d’éducation, de santé ou d’économie, selon l’étude annuelle sur la question du Forum économique mondial (WEF) publiée ce mercredi. La Suisse est retombée au 21e rang, tandis que les EtatsUnis ont glissé à la 49e place.
Plus inquiétant, depuis dix ans que l’organisation effectue cette étude, c’est la première fois qu’un recul global est enregistré. L’écart des genres – mesuré en fonction de l’accès à l’éducation, de la santé, de la représentation politique et des opportunités économiques – se situe à 68% (100% étant l’égalité absolue), selon son calcul. Il était l’an dernier à 68,3% et l’année précédente à 68,1%. Il ne s’agit que de quelques dixièmes de pour cent, mais, symboliquement, cela revient à un retour en arrière de deux ans. Surtout, cela remet à encore plus tard le moment où l’égalité sera atteinte: dans 100 ans, alors qu’elle se profilait dans 83 ans lors de l’édition précédente. Les disparités entre régions sont importantes: si cet écart pourrait être comblé en 61 ans en Europe occidentale, il en faudrait 102 en Afrique subsaharienne et 168 en Amérique du Nord.
C’est au travail que l’écart est le plus marqué: il faudra 217 ans pour atteindre l’égalité des salaires, selon les estimations du WEF. Dans ce domaine, c’est le pire score depuis 2008. En tête, l’Islande a comblé 88% de l’écart des sexes. Le pays se trouve au premier rang depuis neuf ans et continue de progresser. Il a même pris encore un peu d’avance sur le deuxième, la Norvège, qui a vu son pourcentage reculer.
La politique, pire segment
L’égalité des sexes existe dans 27 pays en ce qui concerne l’accès à l’éducation et dans 34 pays pour l’accès à la santé. Seuls six pays ont comblé tout écart dans les deux domaines. Aucun pays n’atteint l’égalité dans la participation et les opportunités dans l’économie, ni dans la politique, cette dernière étant le domaine où les inégalités sont le plus criantes. Mieux classée sur ce point, l’Islande affiche un écart comblé d’un peu plus de 70%.
Un résultat général qui étonne le WEF lui-même: «Il y a une telle logique économique à inclure les femmes dans l’économie que cela devrait suffire à améliorer la situation. Des études le montrent désormais de façon évidente», explique Saadia Zahidi, membre du comité exécutif responsable des secteurs éducation, genres et travail au WEF. Si on ne croit pas à l’égalité pour des raisons éthiques, on peut au moins être motivé par des raisons économiques.»
Les études citées par l’experte parlent d’un gain de 250 milliards de dollars pour le PIB de la Grande-Bretagne si l’égalité était atteinte. Ce montant est de 1750 milliards pour les Etats-Unis, de 550 milliards pour le Japon, de 320 milliards pour la France et de 310 milliards pour l’Allemagne. C’est vrai aussi pour les pays émergents: la Chine pourrait voir son PIB croître de 2500 milliards en cas d’égalité parfaite. La valeur de l’économie mondiale pourrait elle aussi grimper de façon significative, assure le WEF: «Si l’écart se comble de 25% d’ici à 2025, le PIB mondial pourrait augmenter de 5300 milliards.» Une hausse qui se traduirait aussi par une amélioration des recettes fiscales dans le monde.