«Si elle ne fait rien, la Suisse se fera encore distancer»
Responsable du rapport et membre du comité exécutif du WEF, Saadia Zahidi explique le recul de l'égalité et donne quelques pistes d'amélioration pour la Suisse.
Le rapport fait état d'un recul global. Y a-t-il quand même des progrès? Oui. La moyenne régresse, mais plus de la moitié des 144 pays étudiés ont fait des progrès. Le Canada, la Grande-Bretagne et la France, par exemple, se sont hissés parmi les 20 pays les plus égalitaires. Le recul général s’explique parce que la Chine, l’Inde, les Etats-Unis, qui ont un fort impact sur la moyenne, ont régressé.
On parle de plus en plus des questions d'égalité en général, sans parler du mouvement #MeToo contre le harcèlement. La prise de conscience n'est-elle pas si large? Il existe une différence entre la prise de conscience et l’action. Nous parlons davantage d’égalité dans tous ses aspects, c’est un changement sain. Il est finalement possible de parler de harcèlement, de femmes à des postes de direction, de politique d’égalité, etc. On peut aussi mettre en avant des «role models» de femmes à des postes à responsabilité car elles sont plus nombreuses. Mais tout cela doit être soutenu par des actions. Il ne suffit pas de compter des femmes aux postes visibles de directrices générales, il faut aussi un département des ressources humaines (RH) avec une politique claire d’égalité, qui réfléchisse à comment réintégrer les femmes après un congé maternité, soutenir les carrières prometteuses... Cela prend du temps. Et cela se passe en arrière-plan.
Que fait le WEF dans sa propre organisation pour s'assurer de l'égalité? Le Forum a fait des changements dans sa structure RH, amélioré la transparence des salaires qui sont certifié égaux. Les chefs d’équipe doivent rendre des comptes sur le développement des talents des deux sexes. Le leadership s’est aussi diversifié.
La Suisse est retombée au 21e rang, pourquoi? Le pays s’était amélioré, mais il recule cette année, notamment parce qu’il n’y a plus que deux conseillères fédérales, contre trois il y a deux ans. Autre problème, les femmes sont trop peu représentées dans les professions techniques. On les trouve dans l’éducation, mais elles ne se déploient ensuite pas dans la main-d’oeuvre. La Suisse est l’une des rares économies où un tel écart est visible. En revanche, nous avons observé une amélioration vers l’égalité des salaires.
Avez-vous des recommandations pour la Suisse? La Suisse recule en partie parce que les autres continuent à progresser, alors qu’elle ne fait rien. Les pays nordiques continuent de travailler à une plus grande égalité. Ils s’améliorent chaque année. En Suisse, c’est le moment d’agir, qu’on parle de congé paternité, de formation des femmes, de moyens de les garder dans les entreprises... Sinon, le pays va continuer de se faire distancer.