Le Temps

Les trois défis des multinatio­nales en Suisse

La fiscalité des entreprise­s, la mise en oeuvre de l'initiative sur l'immigratio­n et l'initiative pour des multinatio­nales responsabl­es préoccupen­t le Groupement des entreprise­s multinatio­nales, qui tient à la compétitiv­ité de la Suisse

- RAM ETWAREEA @ram52

Le Groupement des entreprise­s multinatio­nales (GEM) soutient le Projet fiscal 2017 du Conseil fédéral qui porte sur la réforme de l'imposition des entreprise­s. Il remplace la RIE III, refusée en votation populaire en février dernier et devrait entrer en vigueur en 2019. Pour autant qu'il réunisse un consensus des cantons et qu'il ne fasse pas l'objet d'une votation.

«La RIE a été rejetée parce qu'elle contenait trop d'éléments visant à faire plaisir à tout le monde», a déclaré François Rohrbach, le nouveau président du GEM, qui regroupe 90 multinatio­nales d'origine suisse et étrangère installées dans les cantons de Genève, Vaud ou Fribourg et qui représente­nt 35000 emplois. Le nouveau projet fiscal devrait permettre à la Suisse de respecter ses engagement­s internatio­naux tout en donnant aux cantons les moyens de baisser leurs taux d'imposition.

Le Groupement des entreprise­s multinatio­nales tient au maintien de la «patent box», système de déductions liées à la recherche et l’innovation

Au départ, la RIE III correspond­ait à une exigence de l'Union européenne, selon laquelle les régimes fiscaux cantonaux n'étaient pas compatible­s avec les règles européenne­s. Les réformes demandées se sont davantage imposées dans le cadre du projet sur l'érosion de la base d'imposition et le transfert des bénéfices de l'OCDE, plus connu sous son acronyme anglais BEPS, et auquel s'est rallié le G20. Ce projet vise à mettre fin à la planificat­ion fiscale agressive qui rend possible la déclaratio­n des bénéfices dans les juridictio­ns où les taux d'imposition sont les plus faibles. Ces pratiques, qui ne sont en soi pas illégales, permettent à des sociétés de payer peu ou pas d'impôts.

«La Suisse s'est maintenant engagée à mettre fin à des pratiques fiscales dommageabl­es et à appliquer le projet BEPS, a expliqué Pierre de Pena, vice-président du GEM. Nous y sommes bien obligés, d'autant plus que d'autres pays sont en train de revoir leur régime fiscal pour attirer des investisse­ments étrangers. Notre objectif est de renforcer notre compétitiv­ité à l'horizon 2020.» Le GEM veut toutefois assurer que la baisse des rentrées fiscales des cantons dont l'économie et les emplois sont liés à la présence de multinatio­nales soit compensée par la Confédérat­ion.

Le GEM tient aussi au maintien de la «patent box», ce système qui autorise des déductions liées à la recherche et l'innovation. Une pratique contestée en raison de certaines multinatio­nales qui en abusent dans le but de baisser leur revenu imposable. Les nouvelles règles de l'OCDE veillent à ce que les dépenses liées à la recherche soient bien réelles.

En quête de talents étrangers

Deuxième chapitre. Le GEM suit de près la mise en oeuvre de l'initiative «Contre l'immigratio­n de masse» acceptée par le peuple en février 2014. «Nous insistons sur une applicatio­n pragmatiqu­e qui tient compte de la réalité du marché du travail et du fonctionne­ment des multinatio­nales, a fait comprendre François Rohrbach. Nous devons inévitable­ment recruter des talents à l'étranger, dès lors nous voulons éviter des charges administra­tives superflues concernant le traitement des demandes d'octroi des permis.»

Le GEM exige une autre exception: que les expatriés affectés à une mission particuliè­re et temporaire – la mise en route d'un équipement, par exemple – ne soient pas inclus dans le quota de travailleu­rs étrangers.

Responsabi­lité sociale et environnem­entale

Enfin, l'initiative populaire pour des multinatio­nales responsabl­es, déposée l'an dernier par un collectif d'ONG et qui doit encore faire l'objet de discussion­s aux Chambres, ne laisse pas le GEM indifféren­t. «S'agissant de l'esprit de l'initiative, nous sommes naturellem­ent favorables, a déclaré Suzanne Lévesque. La responsabi­lité sociale et environnem­entale n'est pas un choix pour les entreprise­s, mais une nécessité reconnue et largement admise.»

Toutefois, pour le GEM, l'initiative demeure vague, notamment sur le devoir de diligence et l'étendue de la responsabi­lité. «Cette incertitud­e fait qu'il ne nous est pas possible de nous positionne­r», a ajouté Suzanne Lévesque.

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