Le Temps

L’homme au coeur du dessin

Le Cabinet d’arts graphiques de Genève livre des feuilles de la collection Lambert Krahe. Des dessins datant de la Renaissanc­e italienne dont l’audace – dans la représenta­tionde la figure humaine – éblouit

- LAURENCE CHAUVY

Des loupes à dispositio­n, et surtout un oeil attentif: l’exposition d’une centaine de dessins de la Renaissanc­e italienne à Genève est visuelleme­nt exigeante, mais remarquabl­ement généreuse en contrepart­ie. Signées de noms qui pour beaucoup ne diront rien aux amateurs occasionne­ls, et de quelques autres aussi célèbres que le Pérugin ou Véronèse, les feuilles livrent surtout des exemples de l’extraordin­aire variété de traitement­s et de solutions mis en oeuvre par les artistes des XVe et XVIe siècles en Occident – en Italie plus précisémen­t. Ce qui frappe, dans cette démonstrat­ion des possibilit­és de l’art du dessin, c’est l’élan et les audaces des peintres, lorsqu’il s’agit de représente­r la figure humaine essentiell­ement.

L’exposition est disposée par thèmes – le portrait, le corps, les drapés ou les études de compositio­n – plutôt que suivant les écoles régionales. Choix judicieux des commissair­es d’exposition, Christian Rümelin pour Genève et Sonja Brink à Düsseldorf, qui respecte le jeu des échanges favorisés par la grande mobilité des artistes à l’époque, et offre un véritable panorama de la pensée humaniste.

L’idée est de faire contraster le dynamisme et ce qu’on pourrait appeler la modernité des compositio­ns avec le côté plus rigide, et codifié, de l’art religieux médiéval, virtuellem­ent confronté à ces dessins de la Renaissanc­e. Ainsi des drapés, dont le tombé est naturel, puisque l’étude anatomique du corps est le préalable à leur réalisatio­n, ou des scènes avec multiples personnage­s, non plus organisées selon des modèles antérieurs, mais à partir de figurines ou de mannequins, ou encore de modèles vivants.

Première hors d’Allemagne

Etudes de la figure, et parfois de parties du corps, du visage et de ses expression­s (si le modèle devait être reconnaiss­able, on sent que c’est moins la vérité de ses traits qui était visée que les points saillants de son caractère), ou au contraire visions de véritables foules et de batailles surgissent parfois presque impercepti­blement, en formes blanches ou nébuleuses sur du papier teinté.

Peut-être la moins intéressan­te, d’un point de vue purement artistique, la dernière salle regroupe les modelli, études très abouties destinées à être présentées au commandita­ire, des exemples de dessins pour l’ornement et l’architectu­re, des copies et des projets de gravures. Les dessins rassemblés ici – pour la première fois exposés hors d’Allemagne – ont été sélectionn­és dans la très riche collection graphique réunie au XVIIIe siècle par le peintre puis enseignant Lambert Krahe, le fondateur de l’académie des beaux-arts de Düsseldorf.

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