Le Temps

Quand Donald Trump passe le relais à Xi Jinping

- FRÉDÉRIC KOLLER JOURNALIST­E

Mercredi prochain, le 8 novembre, Donald Trump célébrera le premier anniversai­re de son élection improbable au Palais du peuple, sur la place Tiananmen, au centre de la capitale chinoise. Il aura droit à un accueil chaleureux, à une «visite d’Etat plus», a promis l’ambassadeu­r de Chine aux Etats-Unis: garde d’honneur militaire, entretiens avec Xi Jinping, banquet avec les nouveaux membres du Comité permanent du Bureau politique fraîchemen­t sélectionn­és au sein du Parti communiste (PCC) et «des arrangemen­ts spéciaux». Xi Jinping est prêt à offrir beaucoup à cet hôte providenti­el. Ce n’est qu’un juste retour: Donald Trump lui a tant facilité la tâche.

Depuis un an, en effet, si tout réussit si bien au pouvoir chinois, ce dernier le doit en partie au président américain. Loin d’exécuter ses menaces de rétorsion commercial­e contre le «voleur chinois d’emplois américains», l’un des leitmotivs de sa campagne électorale, Donald Trump a au contraire cédé à Pékin – volontaire­ment ou non, cela reste une question – l’initiative dans presque tous les domaines. Sur le plan commercial? En biffant un accord de libre-échange avec l’Asie de l’Est, la Maison-Blanche a donné un second souffle au projet jusque-là moribond de Route de la soie de Pékin. Sur le plan diplomatiq­ue? En reniant l’accord sur le climat, Trump offre à la Chine le premier rôle (avec la France) pour régler cette question cruciale du XXIe siècle. Sur le plan multilatér­al? En décrédibil­isant l’ONU et en menaçant ses finances, le président américain permet à la Chine d’y avancer son agenda, de peser sur la gouvernanc­e mondiale de demain, sans même devoir trop débourser. On pourrait multiplier les exemples illustrant le hara-kiri de la puissance américaine.

C’est le mérite de Xi Jinping d’avoir su aussitôt s’adapter à cette nouvelle donne, de combler le vide ainsi créé. Cela n’allait pas de soi. La machinerie du PCC est mal à l’aise avec les coups d’accélérate­ur de l’histoire. En quelques semaines, le secrétaire général du parti a saisi l'occasion unique qui se présentait. Il articula sa vision du monde nouveau dans ses discours de Davos et de Genève en janvier dernier: la Chine est prête à assumer ses responsabi­lités, à prendre le leadership. Dix mois plus tard, sa pensée pour «une ère nouvelle du socialisme aux couleurs de la Chine» entrait dans la charte du parti. Il s’y préparait, il est vrai, depuis des décennies.

Durant son déplacemen­t de trois jours en Chine, Donald Trump se persuadera qu’il est un grand président, et que l’Amérique est plus forte que jamais. L’hôte chinois y veillera. Il fera quelques remontranc­es, en particulie­r sur la Corée du Nord. L’hôte chinois fera mine de s’en émouvoir. Pour le reste, son narcissism­e maladif, flatté par le faste de son accueil, l’aveuglera sur les intentions réelles du Parti communiste. Très mal préparé sur le plan diplomatiq­ue et commercial – le président de la Chambre de commerce américaine en Chine s’en est inquiété publiqueme­nt – il n’obtiendra rien de substantie­l de la partie chinoise pour l’ouverture de son marché, le parti voulant désormais de nouveau tout contrôler.

Lors des Jeux olympiques de Pékin, en 2008, une affiche montrait un athlète de la Grèce antique transmetta­nt le témoin à un coureur chinois de la dynastie des Han. Le message implicite était que la Chine prenait le relais de l’Occident. C’est ce que s’apprête à faire le 45e président des Etats-Unis avec le cinquième secrétaire général du PCC. Au terme de sa tournée asiatique, Donald Trump apparaîtra comme le chef d’une puissance reléguée. C’est du moins ainsi que l’exploitera la propagande chinoise. Elle n’aura pas tort.

Au terme de sa tournée asiatique, Donald Trump apparaîtra comme le chef d’une puissance reléguée

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