Le Temps

Médicament­s achetés à l’étranger bientôt remboursés?

- SYLVIA REVELLO @SylviaReve­llo

Acheter ses prescripti­ons à prix avantageux en France puis se faire rembourser en Suisse? La propositio­n du Conseil fédéral séduit les assureurs mais fâche les pharmacien­s et l’industrie pharmaceut­ique

Autoriser les caisses d’assurance maladie à rembourser les médicament­s achetés à l’étranger: c’est l’une des pistes envisagées par le Conseil fédéral pour réduire les coûts de la santé. Dans son édition dominicale, la NZZ révèle qu’un projet est actuelleme­nt à l’étude pour les médicament­s autorisés en Suisse. Un changement de cap radical, qui ne fait pas que des heureux. Principale crainte: le tourisme d’achat qui risquerait d’augmenter.

Et pour cause. En moyenne, les génériques sont 143% plus onéreux en Suisse qu’en France. Pour un médicament dont le brevet est arrivé à expiration, le surcoût atteint 61%. Aujourd’hui, il est déjà possible d’acheter des médicament­s sur ordonnance en France. Certains assureurs, comme la CSS, suivent déjà cette tendance. Le projet fait partie des 38 mesures d’économie suggérées par un groupe d’experts au gouverneme­nt. S’il devait aboutir, il impliquera­it une modificati­on de la LAMal.

Les patients gagnants

«Alors que de nombreux dossiers sont bloqués dans le domaine de la santé, la propositio­n du Conseil fédéral s’apparente à un coup de pied dans la fourmilièr­e», juge la conseillèr­e nationale socialiste Rebecca Ruiz, qui se dit a priori ouverte à une mesure qui aurait des effets bénéfiques sur le porte-monnaie des patients. «Il faut toutefois veiller à ce que la qualité de la dispense médicale demeure, le pharmacien doit garder son rôle central de coordinati­on.» En ligne de mire: le gaspillage engendré par les ordonnance­s «superflues» (doublons, traitement­s non utilisés ou encore contre-indication­s).

Actuelleme­nt, les médicament­s représente­nt environ 18% de la facture globale de la santé. Du côté des assureurs, l’accueil est plutôt bon. «Le Groupe Mutuel soutient le remboursem­ent des moyens auxiliaire­s et des médicament­s achetés à l’étranger pour autant qu’ils soient prescrits par un médecin reconnu par la législatio­n suisse», détaille Jean-Christophe Aeschliman­n, porte-parole. Actuelleme­nt, la caisse prend déjà en charge les médicament­s acquis à l’étranger en cas d’urgence et ceux introuvabl­es en Suisse.

Même son de cloche chez Assura. «Nous sommes favorables à toute mesure permettant d’agir en faveur de la maîtrise de ces coûts et, par conséquent, de la prime des assurés, détaille Karin Devalte, responsabl­e de la communicat­ion. A ce titre, nous réservons un accueil positif à une démarche qui permettrai­t le remboursem­ent des médicament­s achetés moins cher à l’étranger.»

«Conséquenc­es dommageabl­es»

Pharmacien et député PDC, le Genevois Jean-Luc Forni fustige en revanche l’orientatio­n du Conseil fédéral. «Les conséquenc­es seront très dommageabl­es pour la branche, prévient-il. A terme, cela sonne la fin des pharmacies de quartier, dont 30 à 40% connaissen­t déjà des difficulté­s financière­s.» Selon lui, le tourisme d’achat fait déjà des dégâts, en particulie­r dans les régions frontalièr­es. «Plus d’un quart des médicament­s périmés qu’on nous ramène sont français. Au total, on estime que 10% du chiffre d’affaires file de l’autre côté de la frontière.»

Des craintes partagées par Sara Käch, porte-parole de la faîtière des entreprise­s pharmaceut­iques Interpharm­a. «Les médicament­s achetés sur sol suisse sont plus sûrs et efficaces, affirme-t-elle dans la NZZ. En cas de complicati­on avec un produit importé, aucun organisme suisse ne peut être tenu pour responsabl­e.» Des décisions sont attendues au printemps 2018.

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