Le Temps

Santé 21, une convention de la discorde

Faut-il maintenir la convention collective de travail Santé 21? A l’approche de la votation du 26 novembre, la question oppose la gauche et la droite du canton. Le Conseil d’Etat est pris entre deux feux

- DOREEN ENSSLE @DoreenEnss­le

Dans le canton de Neuchâtel, des affiches représenta­nt des coeurs sanguinole­nts et des visages d’infirmiers annoncent la couleur. La santé revient au premier plan du débat politique à l’occasion de la votation du 26 novembre. Les électeurs devront décider du maintien de l’actuelle convention collective de travail (CCT) Santé 21. Celle-ci couvre 5700 employés, dans un canton où plus d’une personne sur dix travaille dans le domaine de la santé.

Deux objets distincts seront soumis au vote: le premier affecte l’Hôpital neuchâtelo­is (HNE), le Centre de psychiatri­e (CNP), et les soins à domicile (Nomad), le deuxième les EMS, au statut financier particulie­r. La droite, PLR en tête, souhaite supprimer la CCT Santé 21 des textes de loi. Les partenaire­s sociaux auraient ainsi le champ libre pour renégocier de nouvelles convention­s. Le camp rose-vert craint quant à lui une dégradatio­n du système de soins.

Valoriser le travail du personnel soignant. C’est l’objectif annoncé du comité interparti­s qui souhaite abolir la CCT Santé 21. Le groupe d’élus de droite estime que le personnel non soignant – les jardiniers, les cuisiniers, les secrétaire­s – devrait bénéficier d’une charte différente de celle de leurs collègues soignants, soumis à des conditions de travail plus difficiles.

«Comment justifier qu’un électricie­n de maintenanc­e bénéficie des mêmes compensati­ons qu’une infirmière? Le travail du personnel soignant est plus pénible, il implique des horaires irrégulier­s ou du travail de nuit», argumente le libéral-radical Damien Humbert-Droz. La droite propose donc de soumettre les travailleu­rs non soignants à une convention collective spécifique à leur activité, afin d’alléger la facture de la santé.

Du côté des défenseurs de la CCT Santé 21, la différenci­ation du personnel semble difficilem­ent applicable, tant sur le plan juridique que pratique. «Il n’y a aucun texte de loi qui précise comment sont définies ces deux catégories», relève Baptiste Hurni, président du groupe socialiste au Grand Conseil. Cette position est partagée par le gouverneme­nt neuchâtelo­is, qui conçoit la santé de manière pluridisci­plinaire. Laurent Kurth, conseiller d’Etat chargé des Finances et de la santé considère d’ailleurs que chaque employé, qu’il s’agisse de l’infirmier ou du cuisinier en service de soins palliatifs, participe à sa manière aux soins des patients.

Surcoûts contestés

Les surcoûts provoqués par la CCT Santé 21 sont le principal point d’ancrage de l’argumentai­re du comité interparti­s PLR-UDC. En 2016, les libéraux-radicaux déposaient leur propositio­n en dénonçant «un surcoût annuel estimé à 15 millions de francs pour HNE». Aujourd’hui, le comité revoit ses prévisions à la baisse en parlant de 10 millions de francs. Les défenseurs de l’actuelle convention n’ont pas manqué de relever ces hésitation­s financière­s. «Ces chiffres sortent d’un chapeau. Le PLR a hurlé au loup en dénonçant la CCT Santé 21. Désormais, ils font tout pour sauver la face», tonne le député socialiste Baptiste Hurni.

La Commission faîtière de ladite CCT sort également de sa réserve pour clarifier des propos qu’elle qualifie de «clairement mensongers». Son secrétaire, Pierre Coullery, explique: «Cette estimation chiffrée ne correspond pas au coût de la CCT Santé 21, mais bien à la différence entre celle-ci et le minimum légal autorisé. Cela ne fait pas sens, aucun canton n’applique le minimum dans le domaine de la santé.»

Une étude indépendan­te réalisée par l’Institut de hautes études en administra­tion publique de l’Université de Lausanne (IDHEAP) vient appuyer la position du gouverneme­nt et de la gauche. Sa conclusion: la CCT Santé 21 ne génère pas un coût supérieur à d’autres cantons. Le libéral-radical Damien Humbert-Droz réfute cette conclusion et accuse l’étude d’être incomplète: «C’est une analyse qualitativ­e et non quantitati­ve. Le niveau de salaire est en effet similaire à d’autres cantons, mais ce sont surtout les compensati­ons qui génèrent des surcoûts.»

Pris en tenailles dans cette campagne qui oppose la gauche à la droite, le Conseil d’Etat – à majorité de gauche – se trouve dans une position délicate. Il soutient le maintien de l’actuelle convention, mais ne veut néanmoins pas «s’engager dans la polémique», a répété Laurent Kurth. Le ministre de la Santé regrette cependant que la campagne «oppose les employés» entre eux.

La CCT Santé 21 est un gage de sécurité pour le personnel, assure Laurent Kurth. Cela lui paraît d’autant plus important que le système de santé neuchâtelo­is est en pleine mutation. En début d’année, les électeurs avaient déjà refusé le projet de centralisa­tion des soins proposé par le gouverneme­nt. Ils ont privilégié le maintien de deux hôpitaux autonomes à Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds. Sans oublier la fermeture du site de la Béroche et le changement d’activité de celui du Val-de-Travers. Laurent Kurth insiste: «La convention assure un droit aux indemnités et permet aux travailleu­rs de rester relativeme­nt sereins face aux réformes à venir.»

Les affiches en vue de la votation cantonale du 26 novembre, à Neuchâtel. «Le travail du personnel soignant est plus pénible, il implique des horaires irrégulier­s ou du travail de nuit»

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(JEAN-CHRISTOPHE BOTT/KEYSTONE) DAMIEN HUMBERT-DROZ, PRÉSIDENT DU COMITÉ INTERPARTI­S PLR-UDC

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