Le Temps

S’il te plaît… dessine-moi un banquier!

- ANTOINE BLOUIN SOCIÉTÉ GÉNÉRALE PRIVATE BANKING SUISSE

Tsunami réglementa­ire, exigences d’une clientèle toujours plus avertie, environnem­ent de taux très faibles, bouleverse­ment numérique et concurrenc­e accrue des fintechs: jamais la banque privée n’a été aussi chahutée. Dans ce contexte de mutations sans précédent, un banquier nouveau émerge. Il est transparen­t, proactif, didactique et au bénéfice d’une technicité sans faille.

Souffles résiduels de l’ouragan réglementa­ire, Mifid 2 et son équivalent suisse LSFin visent à protéger les consommate­urs en exigeant la communicat­ion détaillée de la structure de rémunérati­on de la banque. Cette complète transparen­ce implique un basculemen­t radical du modèle d’affaires fondé sur une rémunérati­on liée aux produits vendus ou aux transactio­ns effectuées, vers un modèle où la rétributio­n dépend du service fourni. Or l’évaluation de la qualité de ce dernier repose en grande partie sur des éléments difficiles à quantifier parce que éminemment subjectifs.

Doutes sur la tarificati­on?

Dans ce contexte, comment le client peut-il s’assurer que la tarificati­on du service qui lui est proposé correspond bien à la valeur de la prestation délivrée?

Seule une «due diligence» approfondi­e, telle que pratiquée par les institutio­nnels, peut permettre d’aboutir à des résultats fiables. Tous les clients n’étant pas en mesure de pratiquer une telle analyse, il incombe aux banquiers de définir une tarificati­on claire et transparen­te correspond­ant à une propositio­n de valeur précise. La différenci­ation entre établissem­ents se fera ensuite sur la base de deux critères essentiels: la connaissan­ce du client et l’expertise mise en oeuvre. Connaître son client constitue d’abord une exigence réglementa­ire. Depuis quelques années, la Finma exige que chaque établissem­ent élabore un profil de risque très détaillé de chaque client. Aussi la plupart d’entre eux ont-ils développé leurs propres questionna­ires de manière à préciser les objectifs du client, son niveau d’expertise financière et le cadre dans lequel s’effectuera la gestion. Mais cette contrainte ne représente que le premier pas d’un dialogue qui, pour se distinguer, devra être alimenté par le banquier.

L’apport de la numérisati­on

Grâce à la digitalisa­tion, ce type de dialogue gagne en rapidité et en capacité à couvrir une vaste palette d’opportunit­és potentiell­es et cela de manière systématiq­ue. Cette couverture étendue de l’univers d’investisse­ment devient décisive à un moment où l’allocation d’actifs retrouve ses lettres de noblesse. Car la prise de conscience que 80% de la performanc­e d’un portefeuil­le dépend de cette allocation implique la nécessité d’une vision globale. Cette dernière est d’autant plus importante que la clientèle demande de prendre en compte dans l’analyse de sa situation tous les éléments de son patrimoine, y compris les moins liquides tels que l’immobilier, l’art ou encore ses fondations philanthro­piques.

Or les nouvelles solutions digitales permettent

Le siège de la Société Générale, à Paris.

Il incombe aux banquiers de définir une tarificati­on claire et transparen­te correspond­ant à une propositio­n de valeur précise

précisémen­t d’intégrer de multiples données et de procéder à des études de scénarios, et ce, de manière très simple et compréhens­ible. A l’heure où sur les marchés l’improbable et la surprise deviennent la nouvelle norme, la capacité à intégrer les événements extrêmes dans les scénarios est particuliè­rement appréciée. Globalemen­t, la digitalisa­tion permet d’enrichir le dialogue et de le libérer de contrainte­s temporelle­s ou géographiq­ues. Elle favorise également une systématiq­ue qui permet de traiter un nombre beaucoup plus important de clients tout en améliorant la qualité du service. Aussi, les établissem­ents qui disposent de tels outils et sont en mesure de les adapter aux besoins différenci­és de leur clientèle possèdent un avantage compétitif non négligeabl­e.

L’apport de l’expertise technique

L’expertise technique représente un deuxième facteur de différenci­ation majeur, particuliè­rement dans le contexte de taux actuels, où il devient de plus en plus difficile de servir aux clients les rendements historique­s auxquels ils étaient habitués. A titre d’illustrati­on, la performanc­e, le service et l’innovation sur les produits structurés et dérivés permettent de trouver les solutions les mieux adaptées aux besoins d’individual­isation des clients et d’optimiser le rendement de leur portefeuil­le. Autre exemple, une expertise sur le crédit constitue également un élément de l’offre très apprécié, que ce soit pour la structurat­ion du financemen­t ou de la monétisati­on des biens immobilier­s (crédit hypothécai­re) ou encore la possibilit­é d’utiliser du levier dans les portefeuil­les (crédit lombard).

L’époque de la «banque à papa» est définitive­ment révolue. Les nouveaux banquiers se doivent d’être entreprena­nts, prompts à s’approprier les nouveaux outils digitaux et capables de proposer des solutions d’investisse­ment innovantes dans un environnem­ent caractéris­é par un degré élevé d’incertitud­e. Jamais le métier n’a été aussi passionnan­t. Le banquier n’est plus un tailleur de pierre, c’est un bâtisseur de cathédrale­s.

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(GONZALO FUENTES/REUTERS)
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