La figuration narrative comme antithèse au pop art
La Fondation Gandur pour l'art publie un catalogue consacré à un mouvement artistique né en France au début des années 1960
L’approche de l’art des années 1950 et 1960 est restée longtemps dominée par une histoire spécifiquement américaine, faisant se succéder sans surprise expressionnisme abstrait, minimalisme, et art conceptuel.
Depuis quelques années, on observe cependant une vaste tendance à la relecture de l’art de cette période, privilégiant des approches nationales, ou mettant en avant des scènes, des géographies, ou des mouvements laissées de côté par la grande histoire, comme les expositions consacrées récemment à la tradition pop suisse au Mamco à Genève, ou au Kunsthaus d’Aarau.
La Figuration narrative, nouvelle publication consacrée au mouvement du même nom, éditée par la fondation Gandur pour l’art (FGA, créée en 2010 par Jean Claude Gandur et basée à Genève) s’inscrit résolument dans cette perspective. Il s’agit du deuxième volume d’une série qui propose des analyses approfondies des oeuvres majeures des collections de la FGA.
C’est en 1965 que le critique d’art Gérald Gassiot-Talabot invente le terme de «figuration narrative» pour désigner un mouvement figuratif né à Paris au début des années 1960, et qui regroupe des artistes venus de toute l’Europe, et même certains Américains. A cette époque, Paris est encore une capitale des arts, et la guerre culturelle avec New York bat son plein, ravivée par l’attribution du Grand Prix de peinture à Rauschenberg à la Biennale de Venise en 1964. Le mouvement fournit ainsi une «antithèse commode du pop art», comme l’explique JeanPaul Ameline, conservateur du Patrimoine Paris, qui a dirigé l’ouvrage et consacré une exposition d’envergure au mouvement en 2008 au Grand Palais.
Dimension politique
Pourtant, la figuration narrative est complexe, et s’il s’agit clairement pour ses artistes de rompre avec la domination de l’abstraction, certains d’entre eux entretiennent des liens plus ou moins directs avec le pop, entre influence, rivalité et collaboration, comme Peter Saul ou Peter Stämpfli. Pour cette raison, le catalogue privilégie une approche personnalisée, fondée sur des notices détaillées, qui permettent de revisiter les oeuvres de ses protagonistes, comme Hervé Télémaque, Erró, Jacques Monory, Gérard Schlosser, Peter Klasen, Bernard Rancillac, Jan Voss, ou encore Gilles Aillaud.
Deux essais conséquents, signés par Jean-Paul Ameline et Michel Gauthier, ce dernier étant conservateur au Musée national d’art moderne (Centre Pompidou), reviennent sur les enjeux historiques de ces nouvelles formes de figuration, notamment leurs liens avec la culture de masse, et leur dimension politique. Nul doute que cet ouvrage permettra de réévaluer un mouvement qui n’a pas encore la place qu’il mérite dans l’histoire de l’art.
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