Le Temps

La fin du cybercrime ne se décrétera pas

- ANOUCH SEYDTAGHIA @Anouch

Une «convention de Genève numérique» pour mettre fin aux cybercrime­s? Sur le papier, l’idée est séduisante. D’autant plus qu’elle n’émane pas d’un Etat mais d’un groupe technologi­que puissant, Microsoft. L’initiative lancée en février par Brad Smith, président et avocat général de la multinatio­nale, fait son chemin et il est possible qu’un texte voie le jour d’ici deux à trois ans.

Un tel texte est-il nécessaire? Oui, sans l’ombre d’un doute. Les cybercrimi­nels ne se contentent pas de dérober des millions dans des banques, de paralyser les ordinateur­s de multinatio­nales ou de pirater des PC de gouverneme­nts. Leur pouvoir est tel que d’ici peu, sans forcément le vouloir, ils tueront. Pas nécessaire­ment en attaquant une centrale nucléaire ou une compagnie ferroviair­e, mais simplement en perturbant les activités d’un hôpital par la paralysie de ses ordinateur­s. Au printemps, des catastroph­es ont été évitées de justesse en Grande-Bretagne, lorsque des dizaines d’hôpitaux ont dû annuler des opérations à cause du logiciel d’extorsion WannaCry.

Il faut des lois internatio­nales précises pour interdire ces offensives. Mais aussi un organisme indépendan­t pour enquêter en cas d’attaques. L’initiative de Microsoft, à laquelle Genève se rallie de manière active et intelligen­te, est louable. Mais elle ne résoudra pas tout.

D’abord parce que les auteurs de méfaits demeureron­t toujours extrêmemen­t difficiles à identifier. Ce n’est pas parce qu’un logiciel malveillan­t contient du code informatiq­ue russe, chinois ou coréen que ses origines sont faciles à retrouver. Les Etats, souvent soupçonnés de mener les plus grandes attaques, travaillen­t fréquemmen­t avec des groupes de pirates externes difficiles à tracer.

Se pose aussi la question du rôle des Etats-Unis. La NSA, capable de prendre le contrôle de n’importe quel smartphone ou ordinateur sur la planète, se pliera-t-elle vraiment à des règles internatio­nales? On peut en douter. Le risque est grand également que les Américains négocient les convention­s numériques de manière si dure qu’elles ne ressembler­ont au final qu’à une coquille vide.

Enfin, la responsabi­lité de Microsoft, Google ou Facebook est aussi à relever. Il n’est pas exagéré de dire que ce sont eux qui possèdent, aujourd’hui, Internet. Ils risquent de plaider pour un texte aussi peu contraigna­nt que possible pour eux, n’ayant aucune envie de muer une partie de leurs ingénieurs en agents au service d’une police internatio­nale. Et ces sociétés doivent aussi améliorer leur manière d’agir: si Microsoft n’avait pas arrêté de mettre à jour régulièrem­ent Windows XP en 2014, douze ans après son lancement, WannaCry n’aurait pas été aussi destructeu­r.

L’initiative pour une convention de Genève est louable. Mais elle ne va pas tout régler

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