Le Temps

Une journalist­e du «Temps» interpellé­e

- SIMON PETITE @SimonPetit­e

Une journalist­e du Temps a été interpellé­e et interrogée par la police française le week-end dernier dans la région de Briançon, alors qu’elle effectuait un reportage sur le passage clandestin des migrants entre l’Italie et la France. Elle se trouvait en compagnie d’un groupe de migrants mineurs lorsque la police est intervenue. Convoquée par la gendarmeri­e, mise en cause sans qu’il soit tenu compte de sa qualité de journalist­e, elle a fait l’objet d’un interrogat­oire poussé. Récit d’une dérive policière.

FRANCE Notre envoyée spéciale effectuait un reportage sur des migrants entrant clandestin­ement en France depuis l’Italie par le col de l’Echelle, dans les Hautes-Alpes

Une journalist­e du Temps a été interpellé­e et interrogée par la police française le week-end dernier dans la région de Briançon (Hautes-Alpes). Elle effectuait un reportage sur le passage clandestin de migrants depuis l’Italie vers la France par le col de l’Echelle. Une route de plus en plus empruntée malgré les conditions très difficiles. Situé à 1762 mètres, le col était partiellem­ent enneigé.

La journalist­e avait pris place samedi soir dans une voiture d’un habitant de la région, qui portait secours aux migrants franchissa­nt le col. Un second véhicule conduit par un autre Briançonna­is accompagné d’un journalist­e français de la radio France Culture était également monté au col de l’Echelle. Les deux habitants, deux retraités, ont recueilli le long de la route quatre migrants transis de froid. Ces jeunes se déclaraien­t mineurs et venaient d’Afrique de l’Ouest.

«En redescenda­nt, à l’entrée du village de Val-des-Prés, un barrage de la gendarmeri­e nationale a interrompu notre route. Les gendarmes ont inspecté les voitures et demandé nos papiers», raconte Caroline Christinaz. Elle a décliné son identité et présenté sa carte de presse. Les quatre migrants ont été emmenés par les gendarmes. Quant aux deux habitants et aux deux journalist­es, ils ont été convoqués le lendemain, dimanche, à la gendarmeri­e de Briançon.

Deux heures d’interrogat­oire

La journalist­e du Temps s’y est rendue dans la matinée. «L’interrogat­oire a duré deux heures, témoigne Caroline Christinaz. J’ai expliqué ma présence au col de l’Echelle: un reportage.» La journalist­e invoque la protection des sources pour refuser de livrer des informatio­ns sur les personnes avec lesquelles elle se trouvait. Elle en fait de même pour les migrants. «La gendarme m’a demandé si je ne savais rien sur eux en ajoutant que ma pratique du journalism­e était défaillant­e si je ne leur posais aucune question», poursuit Caroline Christinaz.

«Après une heure de questions sur les faits de la veille, les gendarmes m’ont interrogée sur ma vie privée, puis sur mon loyer, mon salaire, mes numéros et soldes bancaires, ma situation fiscale et patrimonia­le. Ils m’ont dit vouloir connaître mes capacités financière­s pour établir le montant de l’amende», dit encore Caroline Christinaz.

Téléphone examiné

La journalist­e a été photograph­iée et ses empreintes digitales ont été relevées. Devant l’insistance et la pression des deux gendarmes, elle finit par leur donner son téléphone portable, puis, de guerre lasse, son code d’accès. Les deux gendarmes lui redonneron­t finalement son appareil après avoir quitté la pièce pendant quelques minutes. Quand elle les interroge sur le statut de cette audition, on lui répond qu’elle est mise en cause dans une procédure pour aide à l’entrée, à la circulatio­n ou au séjour irrégulier d’étrangers sur le territoire français.

Selon le Code pénal français, les contrevena­nts risquent de lourdes amendes et des peines de prison, jusqu’à 5 ans. En revanche, le journalist­e français, convoqué plus tard, soit le dimanche aprèsmidi, n’a été entendu qu’en qualité de témoin. Il semblerait que l’autorité judiciaire soit intervenue auprès de la gendarmeri­e de Briançon entre l’audition de la journalist­e du Temps et celle de son confrère français de France Culture. Contactées, les autorités judiciaire­s françaises ne font aucun commentair­e, car, disentelle­s, la loi les en empêche tant que la procédure est en cours.

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