Dans la Silicon Valley, l’appétit du groupe japonais SoftBank n’a plus de limite
Le groupe japonais va investir plusieurs milliards de dollars dans Uber. Ses ambitions commencent à inquiéter les investisseurs traditionnels
Masayoshi Son touche à son but. Dimanche 12 novembre, les actionnaires d’Uber sont parvenus à un accord qui doit permettre à SoftBank, le conglomérat japonais qu’il a fondé et qu’il dirige, de devenir l’un des principaux actionnaires de la plateforme américaine de mise en relation entre chauffeurs et passagers. Cette prise de participation constitue le plus important coup d’éclat de l’emblématique homme d’affaires japonais, qui investit depuis des mois dans des start-up.
Ses ambitions passent également par un fonds de 100 milliards de dollars, le plus important jamais créé dans le secteur des nouvelles technologies. Et Masayoshi Son promet qu’il ne s’agit que d’un début. Dans la Silicon Valley, cette manne financière est une aubaine pour les jeunes entreprises en quête de financement. Mais elle inquiète aussi les investisseurs traditionnels, qui ont de plus en plus du mal à s’aligner sur les valorisations offertes par SoftBank.
Fringale d’investissements
Annoncé à l’automne 2016 mais officiellement lancé en mai 2017, ce fonds, baptisé Vision Fund, a depuis multiplié les opérations. En six mois, il a déjà investi ou prévu d’investir plus de 20 milliards de dollars, essentiellement aux Etats-Unis et en Asie. A ce rythme, l’enveloppe de 100 milliards sera dépensée plus rapidement qu’initialement prévu, expliquait en octobre Masayoshi Son.
Depuis le début de l’année, SoftBank et le Vision Fund ont investi plus de 1 milliard de dollars à une dizaine de reprises. En août, ils ont injecté 4,4 milliards de dollars dans WeWork, une start-up spécialisée dans la location de bureaux. Un montant record pour une société non cotée. Trois mois plus tôt, le groupe japonais avait acheté pour 4 milliards de dollars d’actions de Nvidia, le fabricant américain de processeurs graphiques.
La liste des prises de participation est longue: 2,5 milliards dans le site d’e-commerce indien Flipkart, un milliard dans le fabricant de satellites OneWeb, dans la plateforme de prêts en ligne SoFi et dans le site de vente d’articles de sport Fanatics, ou encore 250 millions dans la plateforme de communication en entreprise Slack.
L’investissement dans Uber pourrait être le plus important jamais mené par Softbank et par son fonds. La somme exacte apportée par le groupe japonais reste encore inconnue, car une partie des 10 milliards de dollars qui seront injectés proviendra d’autres investisseurs.
Face à cette puissance financière, les fonds de capital-risque de la Silicon Valley, les fameux VC (Venture Capital), ne peuvent pas suivre. Leur enveloppe dépasse en effet rarement les 2 milliards de dollars. De son côté, SoftBank n’hésite pas à s’endetter. Et le Vision Fund est soutenu par les fonds souverains d’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis, qui ont respectivement injecté 45 et 15 milliards de dollars. Apple a par ailleurs apporté 1 milliard.
Flambée des valorisations
Si les VC profitent aussi des ambitions de SoftBank, en lui vendant parfois les actions qu’ils détiennent dans des entreprises qui tardent à entrer en bourse, comme c’est le cas avec Uber, ils s’inquiètent de plus en plus des conséquences à long terme. «SoftBank provoque une flambée des valorisations», regrette un associé d’un fonds qui ne souhaite pas participer à la surenchère. Celle-ci peut d’ailleurs être néfaste, en compliquant les futures levées de fonds ou l’introduction en bourse de ces start-up.
«Pour le moment, nous observons et nous essayons de comprendre leur stratégie, indique un autre investisseur. Ils semblent se focaliser sur des sociétés déjà bien avancées dans leur développement et non pas sur les start-up naissantes, ce qui nous laisse une fenêtre.» Mais cela pourrait changer. «Le Vision Fund n’était qu’une première étape, explique Masayoshi Son. Nous voulons accroître ses ressources à 100 billions de yens.» Soit 880 milliards de francs.
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