Le Temps

La réassuranc­e se porte mieux malgré les récentes catastroph­es naturelles

- EMMANUEL GARESSUS, ZURICH @garessus

Le coût des ouragans «Harvey», «Irma» et «Maria» se traduit par des pertes auprès des réassureur­s. Mais leurs fonds propres sont assez étoffés pour les absorber. En bourse, leurs actions s’apprécient dans l’attente d’une hausse probable des tarifs

Les coûts des ouragans «Harvey», «Irma» et «Maria» – ici Porto Rico après le passage de ce dernier – qui ont frappé l’Amérique du Nord et les Caraïbes atteindrai­ent 100 milliards de dollars, selon une estimation du groupe Munich Re.

Après cinq années de sinistres inférieurs à la moyenne, 2017 pourrait être une année record en matière de catastroph­es naturelles, selon les analystes de Morgan Stanley. Le leader mondial de la branche, Munich Re, a indiqué jeudi que les coûts des ouragans Harvey, Irma et Maria qui ont frappé l’Amérique du Nord atteindrai­ent 100 milliards de dollars (99,5 milliards de francs). Le montant dépasserai­t celui de Katrina (75 milliards en 2005) et l’estimation de Swiss Re (95 milliards).

Les catastroph­es naturelles appartienn­ent au quotidien des réassureur­s. Même une année aussi riche en sinistres que 2017 ne les ébranle pas le moins du monde. Les catastroph­es naturelles du troisième trimestre auraient réduit d’environ 8% les fonds propres des réassureur­s. C’est important, mais les réserves sont suffisante­s pour y faire face.

Fonds propres abondants

L’annonce par Swiss Re d’un rachat d’actions jusqu’à 1 milliard de francs qui accompagne la publicatio­n d’une perte de 468 millions de dollars après neuf mois témoigne de cette capacité de résistance. Les trois ouragans cités ont engendré 3,6 milliards de dollars de sinistres dans les comptes du numéro deux mondial de la réassuranc­e. Mais les fonds propres du groupe sont si abondants que la direction se permet de procéder à ce programme de rachats d’actions. Pour Munich Re, le leader mondial de la branche, le coût de ces sinistres s’élève à 2,7 milliards d’euros (3,13 milliards de francs) au troisième trimestre, ce qui conduit à une perte nette de 1,3 milliard d’euros.

Le comporteme­nt des actions des réassureur­s post-ouragans diffère de celui qui prévalait dans le passé. Habituelle­ment, les titres baissent immédiatem­ent après une catastroph­e pour mieux repartir à la hausse dès qu’il apparaît que les réassureur­s absorberon­t correcteme­nt les pertes et que des hausses de tarifs seront annoncées. Le scénario 2017 sort de l’ordinaire. Les actions des réassureur­s ont immédiatem­ent réagi à la hausse. Au cours des trois derniers mois, les actions Munich Re (+9,3%), Swiss Re (+5,8%) se sont appréciées, tandis que l’indice SMI ne progressai­t que de 3,1%.

Les réassureur­s ont d’abord espéré qu’à la suite de ces sinistres, la tendance à la baisse des tarifs arrive à son terme. Le recul avait été alimenté par la présence massive des fonds spéculatif­s dans les «obligation­s catastroph­es» (cat bonds). Ce dernier marché, apparu dans le milieu des années 1990, à la suite de l’ouragan Andrew et au tremblemen­t de terre à Northridge, en Californie, atteint 22,4 milliards de dollars fin 2016.

Cette présence d’investisse­urs alternatif­s explique en partie pourquoi les primes d’assurance catastroph­es ont chuté de 40 à 50% et, selon Munich Re, ne permettaie­nt plus de couvrir les risques.

Swiss Re prévoit des hausses de primes dans toutes les branches, y compris l’assurance accidents

Aujourd’hui, l’optimisme sur l’évolution des prix se généralise. Joerg Schneider, directeur financier de Munich Re, s’attend à une hausse non seulement dans les branches (bâtiments) et les régions les plus affectées par les catastroph­es naturelles, mais aussi dans d’autres domaines. Swiss Re prévoit des hausses de primes dans toutes les branches, y compris l’assurance accidents. Hannover Re parle d’augmentati­ons «à deux chiffres» dans l’assurance de catastroph­es.

Les assureurs confirment la tendance observée par les réassureur­s, ainsi qu’en témoignent les déclaratio­ns de George Quinn, directeur financier de Zurich. Aux Etats-Unis, les primes sont en hausse dans le bâtiment et l’automobile. Mais la tendance n’est pas générale. Les tarifs baissent encore dans la responsabi­lité civile.

Les analystes de Morgan Stanley estiment qu’une hausse généralisé­e de 1 à 5% des primes se traduit par une augmentati­on de 6 à 29% des bénéfices des réassureur­s, et en moyenne de 14%. Dans le cas de Swiss Re, ils révisent de 7% à la hausse leurs prévisions de bénéfice pour 2019. Après un résultat à peine bénéficiai­re en 2017, le réassureur suisse parviendra­it à le ramener à 2,8 milliards de dollars l’année prochaine et 3,05 milliards en 2019.

Mais le marché ne s’attend pas seulement à une augmentati­on des tarifs. Les experts révisent aussi à la hausse les prévisions de catastroph­es naturelles.

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(ALVIN BAEZ/REUTERS)

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